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toujours présens, ni surtout également multipliés. A leur égard, il faut tenir compte d’une différence très notable, selon qu’il s’agit d’animaux aquatiques ou d’animaux et de plantes terrestres. Les premiers se trouvent favorisés par la nature même de leur habitat ; leurs dépouilles se mêlent forcément aux dépôts qui se forment au sein des eaux, tandis que les seconds n’ont dû presque toujours leur présence qu’à des circonstances exceptionnelles. En dehors des traces purement accidentelles, les gisemens qui réunissent un nombre assez considérable de fossiles terrestres pour donner une juste idée du spectacle que présentait la nature vivante sur les plages limitrophes de pareils gisemens, sont toujours rares ; ils ont acquis de la célébrité avant même que la paléontologie moderne soit venue inventorier leurs richesses. Il en est ainsi particulièrement de Solenhofen en Bavière, de Monte-Bolca en Italie, d’OEningen en Suisse, enfin des gypses d’Aix en Provence, dont nous allons parler. Ces localités étaient depuis longtemps connues des curieux ; mais, de nos jours seulement, on est parvenu à déterminer le vrai sens et les caractères des êtres dont elles renferment de si nombreux vestiges.

Ce sont là des principes qu’il était bon de rappeler au lecteur, peut-être disposé à croire qu’en paléontologie il suffit de se baisser pour recueillir et que cette science fournit à qui l’interroge une suite complète d’indices révélateurs sur chaque période ou section de période. Ces lumières, on ne les obtient vives et pénétrantes qu’à de trop longs intervalles et, dès lors, lorsque nous nous renfermons dans les limites d’une seule région, nous sommes bien forcés de laisser dans la pénombre, sinon dans une obscurité totale, certains âges qui deviennent pour nous ce que sont, en histoire, certaines époques sur lesquelles glissent les chroniqueurs, faute de documens assez explicites pour les instruire de ce qui a pu s’y passer.

D’une façon générale et au point de vue stratigraphique, d’accord cette fois avec les annales biologiques, la Provence tertiaire accuse trois phases ou périodes distinctes, pendant lesquelles sa configuration physique, aussi bien que ses animaux et sa végétation, ont offert successivement des aspects très divers et, sous plusieurs rapports, entièrement opposés. Dans la plus ancienne de ces trois périodes, la mer n’empiète nulle part sur le sol actuel de la région ; mais les eaux douces sont distribuées en un certain nombre de bassins d’inégale grandeur, qui persistent dans des limites à peu près invariables, d’un bout à l’autre de la période. De là le nom de période des lacs justement appliqué à la Provence contemporaine de cette première époque. La deuxième période est marquée, au contraire, par un retour offensif de la mer, qui, auparavant et depuis longtemps exclue du périmètre de la région, s’y établit de nouveau, comble de ses eaux