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le premier nom, qui se prononce cha-out-ch, et le second, qui se prononce ga-out-cho, le lien de famille est étroit ; dans les pays de plaine du monde entier, l’habitant semble ainsi avoir reçu l’empreinte du même moule. Le territoire saxon des États-Unis n’a pas échappé à cette influence numide, le Texas et le Colorado, en se détachant du Mexique espagnol, ont conservé les mœurs des premiers occupans et introduit dans la langue anglaise les mots qui servent chez les peuples espagnols à désigner les actes de la vie des pasteurs. Ainsi, le rancho, mot espagnol qui signifie provision de bouche et qui, par une première corruption, désigne sur le territoire mexicain la chaumière du pasteur, est devenu en langage yankee le ranch, servant ainsi à désigner la propriété du pasteur ; on dit ranch-man, ranch-life ; la vie pastorale est la vie du ranch, comme elle est, en Australie, celle du run.

Le temps n’a pas modifié les similitudes entre les habitans des diverses plaines ; il a respecté les mœurs des pasteurs de toutes les régions du globe, qu’ils soient soumis à la loi russe, arabe, espagnole ou saxonne ; dans les pays où l’immigration est abondante et continue, les immigrans subissent la loi commune du milieu et s’appliquent à imiter ceux qui les ont précédés. Cette vie pastorale est différente de ce qu’elle est en dehors de ces plaines, spécialement dans l’Europe occidentale.

Ici, c’est la vie agricole qui domine ; le pasteur a disparu, a fait place à l’agriculteur propriétaire de quelques bestiaux. L’envahissement de la charrue est assez rapide pour que l’on puisse prévoir la disparition des grands réservoirs à bétail. C’est déjà fait dans la puszta hongroise. La réputation des blés et des vins de Hongrie encourage assez la production pour que le pasteur se voie chaque jour disputer le sol : le bœuf à demi sauvage, aux longues cornes, disparait ; le buffle devient légendaire ; les troupeaux de grand bétail se réduisent et se disciplinent ; les moutons augmentent ; on sent partout que le pasteur perd ses habitudes nomades, choisit sa station et se prépare à augmenter encore d’une parcelle les champs d’or de la Hongrie. Déjà la plaine magyare ne compte plus que 5 millions de bêtes à cornes, le nombre des moutons ne dépasse pas 14 millions ; elle a cessé d’être un pays d’exportation de bétail ayant peine à suffire à la consommation de l’Autriche-Hongrie, qui exige tout ce qu’elle peut produire, c’est-à-dire plus d’un million de tonnes de viande.

Les statistiques, cependant, constatent l’entrée en France de quantités relativement considérables de bétail provenant d’Autriche-Hongrie, mais des renseignemens sûrs nous permettent d’affirmer que ce bétail, destiné au marché français, n’a fait que traverser ce pays. Il vient, en réalité, de la Russie méridionale,