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l’Australasie quelques analogies : le climat y est le même que dans les provinces du sud de ce continent et l’élevage s’y fait de même, mais dans de moins vastes proportions, n’ayant pas devant lui les mêmes espaces à conquérir. Là, comme dans les autres régions exotiques dont nous nous occupons, les moutons ne broutent que des prairies naturelles et passent la nuit, en toutes saisons, dans les kraals à ciel ouvert. Le mérinos y a été introduit vers 1830 et s’est substitué complètement à la race indigène : on en compte aujourd’hui 10 millions, assez mal soignés et bien inférieurs, comme rendement en laine et pour la qualité de la laine, à ceux de l’Australie et de la Plata. L’éleveur de la colonie du Cap est pauvre, comme son sol, qui se prête mieux à la culture de la vigne et à celle des céréales qu’à l’élevage en liberté : il lui faut, en effet, dans les régions de l’ouest, un hectare de pâturages, et dans le karoo deux hectares par tête de mouton. Aussi dit-on que l’éleveur du Cap, découragé, songe à généraliser l’élevage, déjà très important, de la chèvre, et surtout de la chèvre angora.

Dans notre revue des pays producteurs, nous pouvons donc négliger la colonie du Cap, dont nous n’avons dit un mot que parce qu’elle a une réputation au-dessus de son importance. Nous ne devons pas tenir beaucoup plus de compte, dans l’hémisphère nord, du Canada. Sans vouloir dédaigner les 900 millions d’hectares de neige que ce territoire offre à la colonisation, nous ne pouvons cependant pas le compter comme producteur de bétail à bon marché ; l’été y est très court et très chaud, et, s’il est vrai que là, comme dans tous les pays froids où la nature a hâte de réparer le temps perdu et mûrit, avec une rapidité exceptionnelle, les récoltes, l’agriculture a devant elle un champ vaste à exploiter, il n’en est pas moins vrai que l’hiver y est aussi rude qu’en Suède et en Norvège, que les ressources alimentaires du bétail, contraint à une stabulation absolue pendant au moins cinq mois, doivent être produites et réunies à grands frais pendant l’été ; tout ce que l’éleveur peut faire, c’est donc de remplir les besoins de la consommation locale. Cependant, malgré cette infériorité du climat, le Canada figure parmi les pays d’exportation de viande ; il a fourni à l’Angleterre et aux États-Unis, en 1881, 62,000 bêtes à cornes et 354,000 moutons. C’est beaucoup pour un pays qui ne possède que 2 millions 1/2 de bêtes à cornes et à peine 4 millions de moutons. On peut prédire que des siècles s’écouleront avant que la descendance de ces troupeaux insignifians ait pu prendre possession de cet immense pays où l’élevage, en raison des abris et des provisions qu’il exige, demande de grands débours. Le temps n’est plus où l’éleveur canadien, trop pauvre pour s’abriter lui-même