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d’autres points de la France où l’on a employé la force, tantôt pour imposer un instituteur, tantôt pour chasser des sœurs défendues par la population !

C’est la triste conséquence d’une politique où les violences s’enchaînent, qui n’est certes pas faite pour rendre au pays la paix morale à laquelle il aspire. Nous admettons tant qu’on voudra que le gouvernement se serait bien passé d’un incident comme celui de Châteauvilain, et que M. le ministre des cultes, comme il l’a laissé entendre, n’avait pas prévu les conséquences des instructions qu’il donnait pour fermer une chapelle ; mais en s’engageant dans la voie où il est entré, le gouvernement ne pouvait ignorer qu’il froissait des sentimens vivaces qu’on ne blesse jamais sans péril, et en allant plus avant, il s’exposerait sûrement à plus d’une cruelle surprise, comme celle qui vient d’émouvoir le pays, qui a été hier encore l’objet d’une discussion passionnée au Palais-Bourbon.

Il n’y a que quelques jours, M. l’archevêque de Paris adressait à M. le président de la république une lettre où, avec autant de modération que de fermeté, il signalait la situation pénible faite à l’église, aux croyances religieuses, les atteintes incessantes portées au concordat lui-même. Que peut-on répondre à cet exposé simple, précis, saisissant de tout ce qui s’est fait depuis quelques années ? Est-ce qu’il n’est pas malheureusement vrai que les partis qui ont la prétention de faire marcher la France n’ont qu’une pensée, ou, si l’on veut, une passion unique, obstinée dans les affaires religieuses ? On craint d’aller jusqu’à la dénonciation du concordat qui depuis quatre-vingt-cinq ans a maintenu la paix en France ; on sent vaguement le danger de cette épreuve de la séparation de l’église et de l’état ; mais on poursuit par tous les moyens, sous toutes les formes, la guerre aux cultes, à la foi religieuse, tantôt par les lois d’enseignement, tantôt par les diminutions ou les suppressions des traitemens des évêques, des chanoines, des vicaires, un jour par la suspension de l’indemnité de pauvres desservans, un autre jour par la menace de soumettre le clergé au service militaire. M. le cardinal Guibert ne dit rien de plus. Son langage n’a rien d’offensant, rien d’irritant ; il signale avec tristesse le danger où court le gouvernement par une politique qui livre aux passions radicales la paix religieuse, comme elle leur livre l’ordre administratif, financier. Avec un peu de clairvoyance, le gouvernement pourrait s’apercevoir que le moment est venu pour lui de réaliser ce grand progrès de rentrer dans l’ordre vrai par le respect de toutes les garanties, et M. le président du conseil est mieux placé que tous ses collègues pour comprendre que ce n’est pas avec une politique énervée par les solidarités révolutionnaires qu’il peut maintenir le crédit de la France dans le monde.

Où en sont aujourd’hui tous ces incidens qui, depuis quelques