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politique des atermoiemens, des chemins détournés ; il croyait qu’en tranquillisant la France par des simulacres d’énergie, il obtiendrait de l’empereur des tempéramens à la convention de septembre. S’assurer la faculté de poursuivre les agitateurs sur le sol pontifical était pour lui un point essentiel, c’était à ses yeux l’équivalent d’une prise de possession. Il se flattait que, ce droit concédé, il serait aisé, avec du savoir-faire, d’arriver insensiblement, d’empiétemens en empiétemens, a Civita-Vecchia et à Viterbe, et qu’on pourrait de la sorte, peu à peu, à petites doses, faire consacrer les droits de l’Italie sur tout le territoire pontifical, jusqu’à la banlieue de Rome exclusivement.

Ces calculs n’avaient rien d’audacieux. Les prétentions les plus contraires à nos intérêts n’étaient-elles pas autorisées par nos faiblesses passées ? L’empereur avait habitué l’Italie aux concessions les plus invraisemblables. Il est vrai que jamais politique, à aucune époque, n’avait eu dans aucun pays, auprès d’un gouvernement étranger, au service de ses intérêts autant de moyens d’action que la politique italienne à Paris. Elle avait ses grandes et ses petites entrées à la cour des Tuileries ; elle y pénétrait par toutes les portes, sous toutes les formes, elle avait des intelligences jusque dans le cabinet du souverain, elle était de la maison. Les ambitieux la ménageaient ; elle avait l’oreille du maître, elle contribuait à la fortune de ceux qui la servaient, elle était de force à ruiner le crédit de ceux qui lui étaient contraires.

Mais, depuis Sadowa, bien des écailles étaient tombées, le vent avait tourné. Les influences catholiques l’emportaient à la cour sur les doctrines du Palais-Royal. Le marquis de Moustier et le maréchal Niel avaient pris de l’autorité dans les conseils de l’empire ; ils défendaient nos intérêts avec une patriotique conviction. Le gouvernement impérial avait d’ailleurs de graves motifs pour ne pas alarmer le pape et pour ne rien laisser dire ni laisser faire qui pût autoriser à croire qu’il se prêterait à des modifications qui affaibliraient les garanties stipulées en faveur du saint-siège. Il n’était pas éloigné du moment où il serait forcé d’affronter l’épreuve d’élections générales, et cette épreuve pouvait être désastreuse si, à l’opposition libérale, se joignait l’opposition cléricale. Il ne pouvait avoir d’hésitations. M. Rattazzi était, par la force des choses, ramené à l’exécution pure et simple de la convention ; elle lui imposait le devoir de protéger le pape contre les turbulences de Garibaldi et contre les complots de Mazzini. Les insinuations de sa diplomatie restaient sans échos.

L’entreprise que tentait Garibaldi n’était pas, à vrai dire, une expédition militaire, c’était une expédition politique : elle devait raviver dans les cœurs italiens une flamme prête à s’éteindre ; elle