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réclamait la protection éventuelle de l’ambassade de France ; les plus timorés sollicitaient un refuge sur nos stationnaires. Ils avaient lieu d’être inquiets : Garibaldi ne prêchait-il pas l’extermination des prêtres ? Les événemens allaient, du reste, se précipiter. Il n’était que temps de se mettre à l’abri des surprises. Les rangs des révolutionnaires grossissaient chaque jour au-delà des frontières, et à Rome même, les comités préparaient un soulèvement.

Le 28 septembre, on signalait des bandes fortes de 300 à 400 hommes du côté d’Orvieto et de Corrieti ; peu de jours après, toutes les provinces romaines étaient attaquées, envahies. Les troupes pontificales se battaient vaillamment ; le 8 octobre, elles délogeaient de Bagnorea les garibaldiens qui s’y étaient fortifiés, elles les battaient à Monte-Libretti. Mais la lutte était inégale : les garibaldiens avaient la supériorité du nombre et aussi l’avantage de se soustraire aux poursuites en repassant la frontière pour s’abriter derrière les troupes italiennes. La situation devenait périlleuse. M. Rattazzi, après s’être fait fort de comprimer le mouvement confessait sans transition son impuissance. Il jetait le masque et révélait sa tactique. Il disait que, dans l’impossibilité d’arrêter l’élan croissant des révolutionnaires, il ne voyait plus que dans une intervention italienne le moyen de sauver la papauté et la monarchie. En même temps, et comme si le cabinet de Florence avait pressenti ou voulu devancer l’assentiment du gouvernement français, le cordon de troupes qui gardait la frontière était rompu et l’armée italienne se formait en colonnes de marche et d’attaque. Les bandes garibaldiennes passaient dès lors sans obstacles et tout se faisait avec si peu de mystère que les volontaires arrivaient par le chemin de fer et prenaient leurs billets en uniforme.

La convention du 15 septembre était manifestement violée.

« L’excitation, l’entraînement sont tels aujourd’hui, écrivait M. de La Villetreux, qu’on se demande quel parti va prendre le gouvernement en face d’un pareil soulèvement. Les journaux sont unanimes pour conseiller l’entrée de vive force sur le territoire romain. L’arrestation de Garibaldi faite à temps eût paralysé le parti d’action ; mise à exécution tardivement, elle n’a servi qu’à surexciter les esprits et à ajouter aux passions déchaînées celle de la [1]

  1. L’armée pontificale ne comptait que 7 à 8,000 combattans. 800 hommes formaient la légion d’Antibes, le reste se composait de deux régiment de ligne, des carabiniers suisses et des zouaves pontificaux recrutés, en majorité, en Belgique, en Hollande et en France. La garnison de Rome était de 6,000 hommes, y compris les non-valeurs ; 2,000 gardaient Frosinone et Velletri, 1,500 Viterbe, 500 Civita-Vecchia. Tous ces prélèvemens opérés, le gouvernement du saint-siège pouvait mettre 500 soldats en campagne contre les bandes garibaldiennes.