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esprits un peu prévoyans comme un refuge et comme une espérance. Il semblait qu’on dût les chérir et les cultiver en proportion même de notre infortune et qu’elles fussent appelées à jouer, dans l’œuvre de notre relèvement, un rôle singulièrement actif. Qui mieux qu’elles, en effet, pouvait parler de devoir et de patrie, d’honneur et de gloire à une jeunesse éprouvée par tant d’émotions douloureuses et prédisposée, par son état d’esprit même, à la désolante contagion des doctrines pessimistes ? Toujours est-il qu’elles furent respectées dans leur ensemble, et que l’on se contenta, M. Jules Simon lui-même, d’y introduire un très petit nombre de réformes et d’y donner plus d’importance à de certaines parties, comme les langues vivantes et la géographie.

L’enseignement supérieur appelait moins de changemens encore : ayant reçu depuis quelques années une orientation nouvelle, il ne lui fallait, pour se développer dans le sens d’une large culture scientifique, qu’une plus grande libéralité des chambres à son égard. Par ses cours publics, il maintenait les traditions d’élégance et de bon goût, de vive et claire érudition dont s’est toujours honorée la chaire française ; par ses conférences et ses exercices didactiques, il commençait à former un noyau d’élèves studieux et réguliers. Le seul reproche auquel il prêtât, et qu’un grand nombre de familles ne laissaient pas de lui adresser, c’était son indifférence en matière religieuse et ses tendances positivistes. Mais le remède en ce point n’était pas difficile à trouver. Déjà, pour donner satisfaction à de respectables scrupules, le législateur avait supprimé le monopole universitaire aux deux premiers degrés d’enseignement ; restait à l’abolir complètement, pour qu’en face de nos facultés, stimulées par la concurrence, pussent se former de nouveaux établissemens, animés d’un autre esprit et répondant à d’autres besoins. L’assemblée nationale y pourvut par la loi du 15 avril 1875, couronnant ainsi l’œuvre de ses devanciers par un acte de libéralisme et d’équité devant lequel, à part quelques jacobins, tous les partis s’inclinèrent.

Mais voici le 16 mai, et bientôt après les élections. Les 363 rentrent à la chambre suivis de beaucoup d’autres : la démocratie triomphe, et bien complètement cette fois. Elle peut tout oser désormais, car elle n’a plus devant elle qu’une minorité réduite à l’impuissance avant même d’être mutilée par un odieux système d’invalidations, et, pour la retenir dans ses entreprises, il lui faudrait un frein qui lui manque et des scrupules qu’elle ignore. Aussitôt, en effet, l’attaque commence. Par où ? C’est ici qu’il faut admirer le régime et que du premier coup il donne sa mesure. Depuis une trentaine d’années, grâce à la loi de 1850, l’état vivait en France