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à peu près tranquille du côté de l’église. L’accord n’était peut-être qu’apparent entre les deux puissances ; l’inévitable antagonisme né de l’incompatibilité de leurs doctrines et de leurs intérêts subsistait toujours. Néanmoins elles avaient signé la paix ; un contrat solennel, fondé sur des concessions réciproques, avait mis un terme à la guerre religieuse, et l’on pouvait croire enfin résolu chez nous l’éternel problème du sacerdoce et de l’empire. Grand bienfait pour un pays livré d’ailleurs à tant d’autres contentions.

Cette paix, à quelle condition l’état l’avait-il obtenue et de quel prix la payait-il ? Pouvait-on lui reprocher d’avoir abandonné une portion quelconque du domaine public, un droit essentiel ? En aucune façon. La liberté d’enseignement n’était pas seulement le vœu de l’église, c’était celui d’un très grand nombre de Français et le corollaire naturel de beaucoup d’autres libertés auxquelles ils aspiraient ou dont ils jouissaient déjà. Tout se tient en politique ; il y a des époques de privilège et de monopole ; il en est d’autres où la concurrence et le retour au droit commun s’imposent. Or, pouvait-on, en 1850, le lendemain d’une révolution qui s’était faite au cri de : Vive la liberté ! opposer un Non possumus inflexible aux revendications d’une partie de la nation ? Pouvait-on, — alors qu’on venait d’un coup, sans précaution aucune, d’abandonner même aux illettrés le droit de suffrage ; — le gouvernement, les chambres pouvaient-ils continuer à se retrancher derrière la vieille formule de l’état enseignant, pour refuser aux Montalembert et aux Falloux le droit d’ouvrir des écoles et d’y installer les maîtres de leur choix ? Manifestement, cela n’était plus admissible ; l’Université, — corporation, corps fermé, s’opposant au nom d’un intérêt supérieur à toute concurrence, — avait eu sa raison d’être après la révolution. Mais il s’agissait bien de liberté dans ce temps-là, il s’agissait de vivre, de renaître, de sortir du chaos ; il fallait jeter toute la jeunesse dans un moule uniforme et la pétrir à nouveau pour rendre à ce pays son ancienne unité, pour lui refaire une âme. Qu’importait que le moule fût trop étroit, la discipline trop militaire, la centralisation excessive ? Il n’était qu’une corporation laïque pour disputer les générations nouvelles aux débris des vieilles corporations enseignantes. Avant le 18 brumaire, on pouvait déjà prévoir le moment où ces corporations auraient regagné dans le domaine de l’enseignement tout le terrain qu’elles avaient perdu depuis 1789. Beaucoup de leurs membres étaient rentrés individuellement et s’étaient remis à l’œuvre.

« Presque partout, dit un rapport de l’art VI, des prêtres fanatiques se sont emparés de la jeunesse. » « Dénués de tout secours, écrivait le ministre de l’intérieur à la même époque, les