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qui sont conjecturales. La crise commerciale actuelle, comme toutes les crises, se caractérise par la baisse du prix de la plupart des denrées : une crise n’est autre chose qu’une interruption, ou du moins un ralentissement de la circulation, de la consommation et, à un degré plus avancé de la maladie, de la production même. On éprouve une difficulté d’échanger. La baisse des prix et même la cote purement nominale des prix, c’est ce qui est l’accompagnement nécessaire de toutes les crises. Quand M. de Soubeyran, dans une récente séance de la chambre des députés, faisait la nomenclature des changemens de prix qui se sont opérés de 1873 à 1885, il avait beau jeu ; personne ne conteste que la généralité des marchandises n’ait fléchi dans des proportions très notables, presque inouïes. Le financier député exagérait, sans doute, sur quelques points où il prenait très arbitrairement la date initiale de son tableau de comparaison. Quand, par exemple, il établissait que, en 1873, le blé valait 41 fr. 50 le quintal, le fer 30 francs, la fonte 113 francs et qu’aujourd’hui ces mêmes denrées ne valent plus que 21 fr. 25, 12 francs et 43 francs, ce qui représente une dépréciation de 49 pour 100 sur le blé, de 60 pour 100 sur le fer et de 62 pour 100 sur la fonte, M. de Soubeyran négligeait de dire que l’année 1873 se trouvait une année exceptionnelle, marquée par une très mauvaise récolte, et que pour l’industrie métallurgique elle était signalée par un mouvement de spéculation et de hausse dont on avait eu peu d’exemples en ce siècle. Présenter comme des prix normaux les prix d’une époque d’exaltation comme les années 1873 ou 1874 ; c’était singulièrement dénaturer les faits. On eût pu, d’ailleurs, s’épargner ces exagérations, car la baisse de presque tous les prix des denrées soit naturelles, soit fabriquées n’est que trop certaine, et pour n’être pas en moyenne de moitié, comme on l’a souvent affirmé, elle atteint souvent le quart et parfois le tiers.

Il s’en faut cependant que cette baisse des prix, qui est si frappante quand on examine certaines marchandises comme le blé, la laine, le coton, la soie, l’huile de colza ou de lin, le café, le cuivre, le plomb, le fer, soit absolument universelle. Il est beaucoup d’articles qui y ont échappé ou qui n’en ont été que faiblement atteints. En se reportant aux traités spéciaux sur les prix des marchandises[1], on découvre au premier coup d’œil un certain nombre de denrées dont les prix en gros sont restés à peu près les mêmes depuis vingt-cinq à trente ans. Parmi les métaux, l’étain n’a presque rien perdu de sa valeur depuis lors ; il se cotait 107 shillings sur le marché de Londres dans la période de 1861 à 1870, on lui trouve une valeur moyenne de 100 shillings de 1871 à 1880 et il se

  1. Voir notamment Mulhill, History of prices ; Longmans, 1885, London.