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rails, pour les ponts métalliques, pour la généralité des produits de la métallurgie, on est tombé dans le même excès. C’est l’ouverture de routes nouvelles, le défrichement des pays neufs, les mauvaises récoltes du vieux monde, les progrès incessans de l’art de la navigation qui ont porté à l’exagération les constructions maritimes ; d’autre part, les gouvernemens y ont aidé par les primes à la marine marchande ; ils ont encore beaucoup plus contribué, par l’exagération des travaux publics, à imprimer une activité artificielle, et qui ne pouvait toujours se soutenir, aux ateliers de constructions de machines et aux hauts-fourneaux. Aujourd’hui, ceux-ci comptent, pour se relever, sur les torpilleurs, les tours blindées et sur une modification dans l’assiette des chemins de fer, à savoir la substitution de traverses métalliques aux traverses en bois.

Nous venons d’examiner certaines natures de produits que, d’une façon absolue, on peut offrir à l’humanité dans des proportions qui, à un moment donné et pour un certain temps, dépassent ses besoins. Il n’en est pas ainsi de toutes les catégories de marchandises : la plupart de celles qui ont pour objet la consommation directe par l’homme ne peuvent pas être offertes, d’une manière absolue, en quantité exubérante. Il n’en est pas des étoffes, ni du sucre, ni du café, ni de la viande, ni du blé, ni même des maisons, comme des locomotives ou des bateaux à vapeur, qui sont de simples instrument de travail. L’humanité n’a pas assez des premiers, tandis qu’elle peut ne savoir que faire des derniers. Parmi les gens qui ont de l’aisance, pour ne pas parler de ceux qui sont dans la gêne, beaucoup useraient de plus de tapis, de plus de tentures, de plus de sucreries, prendraient plus souvent du café, mangeraient plus de viande, consommeraient même plus de blé, sinon sous la forme du pain, du moins sous celle de farines et d’apprêts de toutes sortes, ou bien encore pour nourrir de la volaille et d’autres emplois accessoires ; beaucoup aussi se logeraient plus amplement, s’ils n’étaient retenus par deux obstacles : le prix et l’habitude. De tous ces produits il n’y a pas à proprement excès : si l’offre en dépasse momentanément la consommation, ce n’est pas que celle-ci soit impuissante à absorber la première, c’est qu’elle en est empêchée par des circonstances qui peuvent n’être que passagères. Considérons les maisons à Paris, par exemple. Il est de mode de dire que l’on en a beaucoup trop construit dans ces dernières années. Financièrement, c’est-à-dire au point, de vue de l’intérêt pécuniaire du constructeur, cela est vrai ; mais absolument, au point de vue des besoins et des désirs de la population, l’assertion devient inexacte. Tout le monde, à Paris, se plaint d’être logé trop à l’étroit : tel qui n’a que deux pièces en occuperait volontiers trois ; et celui qui en a trois les échangerait de bon gré pour quatre