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Il avait découvert, à Palerme, un complot qui avait ses ramifications dans toutes les villes d’Italie, à Gênes, Pavie, Padoue, Naples et Ancône. Le programme des conspirateurs n’était pas compliqué : il se bornait à commander l’assassinat des souverains et la proclamation de la république.

Garibaldi, dont le désintéressement et l’abnégation patriotique ont passé à l’état de légende, ne se préoccupait guère alors de la grandeur de l’Italie et du salut de sa dynastie ; tout en paraissant menacer Rome, il avait les yeux tournés vers la province de Naples ; il songeait à s’y tailler une dictature : n’avait-il pas conquis le royaume en 1860 avec ses mille ? Le ministère était renseigné ; il savait qu’il projetait un mouvement du côté des Abruzzes, qu’il comptait provoquer un soulèvement en opérant sa jonction avec Nicotera, et c’était pour s’opposer à ses desseins que le gouvernement avait concentré des forces entre Arezzano et Nola. Déjà les bandes se portaient sur Tivoli, lorsqu’elles furent inopinément attaquées et défaites par le général Kanzler et le général Polhès[1]. « La postérité serait trompée, disait Bernis, si elle jugeait par la grandeur des événemens la grandeur des hommes qui y ont participé. »

Le temps n’était plus où la maison de Savoie, comme le disait M. Thiers, chassait au faucon avec Garibaldi. Le faucon chassait pour son propre compte. On se trouvait en face d’un rebelle qui conspirait contre son souverain et compromettait les destinées de son pays. Son arrestation était une des conditions sine qua non que le général de Menabrea avait posées au roi avant d’accepter le pouvoir ; elle ne pouvait plus être différée. Le 5 novembre, la Gazette officielle annonçait que Garibaldi, arrêté à Figline, était interné dans la forteresse de Varignano, dans le golfe de la Spezzia. Souvent Garibaldi avait été arrêté et jamais il n’avait opposé de résistance ; il savait que les sévérités dont il était l’objet permettaient au gouvernement de masquer le jeu de sa politique, et qu’aussitôt appréhendé il serait relaxé. Le héros de Marsala devait donner cette fois à l’Italie un affligeant spectacle[2]. Surexcité par ses défaites,

  1. Dépêche du baron de La Villestreux. — « Il parait que quelques jours avant le combat de Montana, le gouvernement italien a su que Garibaldi projetait de se porter, avec ses bandes, du côté des Abruzzes, d’y opérer sa jonction avec Nicotera et de se jeter avec lui dans la province de Naples, qu’ils auraient essayé de soulever. C’est dans ce but qu’avait été combiné le mouvement que Garibaldi tentait du côté de Tivoli au moment où il a été attaqué par l’armée alliée, et c’était pour s’opposer à ses projets que le gouvernement avait ordonné une concentration de troupes entre Arezzano et Nola, concentration qu’on ne pouvait comprendre à Rome et qui a beaucoup inquiété. »
  2. Dépêche de M. de La Villestreux. — « Il parait que les scènes qui ont eu lieu au moment de l’arrestation de Garibaldi ont été déplorables. Il s’est jeté et traîné à terre en se débattant comme un possédé. On assure que, dès quatre heures du soir, à Mentana, il a quitté le champ de bataille avec son état-major. C’ait ce qui explique comment, dans un engagement si meurtrier, aucun chef n’est blessé. »