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vis-à-vis du roi ; il était d’ailleurs fort naturel qu’on redoutât jusqu’à un certain point ma vivacité et mes exigences, mais, je le remarque, parce que ce fut à dater de ce moment que mes amis et moi, nous commençâmes à nous éloigner, sinon à nous séparer du ministère, et à prendre cette position intermédiaire qui n’a pas tardé à nous entraîner dans la plus grande faute que nous ayons eu à nous reprocher.

Au demeurant, la loi était bonne à peu de chose près, et ce peu de chose, j’essayai, de concert avec mon bon ami Sainte-Aulaire, d’y suppléer; nous demandâmes, à cet effet, un rendez-vous ad hoc à M. Portalis, qui nous reçut froidement et ne nous écouta guère. Portée à la chambre des députés, le 14 avril, objet le 29 mai d’un rapport insignifiant, cette œuvre, dont j’étais aux trois quarts le père, fut adoptée le 19 juin après vingt jours d’une discussion plus insignifiante encore, et qui ne roula que sur des questions de plus et de moins en matière de cautionnement, d’amende, de délai, etc. Présentée le 25 juin à notre chambre, elle n’y fut ni mieux attaquée ni mieux défendue, bien que M. de Chateaubriand et M. Molé fussent de la partie. Membre de la commission, je m’abstins de l’un et de l’autre rôle, ne trouvant convenable ni d’en indiquer les côtés faibles que personne n’apercevait, ni de m’en faire le champion dans la position où l’on m’avait placé.

Voici ce que je trouve à ce sujet dans une lettre du 4 juillet.


« Siméon nous lit ce matin son rapport; il le fera demain à la chambre et nous discuterons lundi ou mardi. j’ai appris par Decazes que la question de savoir si je serai rapporteur avait été l’objet d’un petit débat ; toute la chambre s’y attendait ; mais le ministère Richelieu s’y est vivement opposé. On s’est adressé au ministère actuel, lequel a fait signifier par Portalis qu’il verrait cette nomination de très mauvais œil. Toute cette petite intrigue est passablement méprisable ; mais elle vous prouve à quelles gens nous avons affaire, et ce qu’il nous est permis d’en attendre. Vous comprenez que je ne me souciais guère de faire le rapport. Si j’avais beaucoup d’amour-propre comme orateur, ce n’est pas ce rapport qui me donnerait de l’illustration. Je ferais très volontiers bon marché de ma petite popularité, mais je n’ai pas tellement soif du martyre que je meure d’envie de provoquer les attaques des journaux libéraux pour le service du ministère. Néanmoins, autant je crois qu’il est raisonnable de ne point se laisser irriter par de petits témoignages d’envie et de malveillance, là où se rencontre un véritable intérêt public, autant je crois qu’il est naturel de se tenir réservé vis-à-vis de ceux qui ont pour nous une malveillance sans fondement, sans excuse ni prétexte. Aussi, la loi étant parfaitement en sûreté, mon