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de touche assez rares aujourd’hui. Dans l’Automne et l’Été, avec une personnalité moins marquée, M. Comerre a cependant placé quelques figures agréablement tournées, comme celle de la jeune paysanne qui se laisse conter fleurette ; on y sent un effort parfois heureux pour donner à des formes plus nouvelles des expressions moins convenues.

Les voûtes et les plafonds offrent un champ moins facile que les murailles verticales à ces expériences périlleuses. Depuis qu’on a compris l’absurdité d’y accrocher simplement au-dessus des têtes, comme on faisait au commencement du siècle, des tableaux renversés qu’on n’y peut ni voir ni comprendre, la fantaisie décorative y règne heureusement sans conteste. Comment exiger des attitudes régulières et des toilettes à la mode de la part d’allégories émancipées qui passent leur temps à s’envoler dans l’azur? M. Chartran, chargé d’égayer le plafond de la salle des mariages à Montrouge, s’en est agréablement tiré. Asseyant son marié et sa mariée, tous deux fort bien portans, sur une corniche terrestre, devant le ciel de l’idéal, n’ayant pas osé, cela s’explique, garder à l’époux son frac et son chapeau noir, il l’a costumé en légionnaire romain ou peu s’en faut; la jeune fille, enveloppée de ses voiles de mousseline blanche, a eu moins à faire pour se trouver poétiquement vêtue. Tous deux se serrent l’un contre l’autre décemment et amoureusement, tandis que l’Amour adolescent inscrit leur serment sur les tables de la Loi et que l’Hyménée plane au-dessus d’eux, leur préparant sa couronne. Le dessin de M. Chartran est vif et correct ; sa couleur est joyeuse et légère. C’est ce qu’on est en droit de demander à des ouvrages de cette nature. On peut signaler des qualités semblables, à des degrés divers, dans le plafond de M. Schommer, pour le musée de la comtesse de Caen, au palais de l’Institut, dont la figure principale est d’une grande tournure ; dans celui de M. de Liphart, l’Étoile du berger, pour un hôtel particulier; dans celui de M. Dupain, le Passage de Vénus devant le soleil.

Bien que sa Mort de saint Jean-Baptiste soit une peinture d’histoire, on est bien tenté de placer M. Henri Lévy au milieu des décorateurs, car ce tableau, au moins dans certaines parties, revendique avec talent et conviction le maintien, dans notre école, des traditions d’éclat, de vie, de mouvement puisées à l’école de Rubens, traditions qui s’accorderaient en définitive beaucoup mieux, dans des salles de théâtre ou de fête, avec le tapage des architectures compliquées, des moulures, des étoffes, des ors, que le système des fantômes immobiles et des juxtapositions froides de tons effacés. La partie droite, dans la pénombre, où se montrent, au haut d’un escalier, Hérodiade et le bourreau, nous paraît insuffisamment