Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/683

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de payer exclusivement en monnaie d’or les bonds des États-Unis appelés au remboursement. La résolution portait, en effet, que les 10 millions de dollars de bonds dont le trésor venait de dénoncer l’amortissement pour le 1er février 1886 (c’était le premier appel fait depuis octobre 1884), seraient remboursés en monnaie d’argent. Comme celle de M. Beck, la motion de M. Eustis fut renvoyée à la commission des finances, qui, contrôlée par les républicains, enterra simplement les deux résolutions.

Quelques jours plus tard, M. Bland, qui n’a jamais été satisfait de la loi qui porte son nom, la trouvant parfaitement insuffisante, posa nettement, devant le comité dont il est le président, la question du monnayage libre et illimité de l’argent. Le système actuel, dit-il, ne répondait à aucune doctrine économique. Ce n’était pas plus du bimétallisme que du monométallisme. M. Bland rappelait que la loi n’avait passé que malgré ses propres protestations au lieu et place de la mesure rationnelle qu’il avait lui-même proposée. Depuis huit ans que le système du monnayage gouvernemental, à raison de 2 millions de dollars par an, fonctionnait, il avait manqué totalement l’objet des silvermen, qui était de fournir aux débiteurs une monnaie bon marché avec laquelle ils pussent se libérer de leurs hypothèques. Il était temps d’en revenir à la seule pratique qui puisse soutenir l’examen, à la frappe libre et illimitée de l’argent. L’Amérique avait tout intérêt à voir le dollar blanc devenir avant peu son unique étalon monétaire.

Le comité du monnayage donna tort à son président et repoussa son bill (8 février) par 7 voix contre 5. M. Bland ne fut pas plus heureux quand la question vint en discussion devant la chambre. Le 8 avril dernier, un vote décisif eut lieu. 163 voix, dont 93 républicaines et 70 démocrates, condamnèrent sa proposition, en faveur de laquelle il ne put réunir que 126 voix, dont 97 démocrates et 29 républicains.

Immédiatement avant ce vote, la chambre venait de rejeter, par 201 voix contre 84, un amendement portant suspension de la frappe de dollars d’argent par le trésor à partir du 1er juillet 1889 si, à cette époque, l’argent n’avait pas été remonétisé avec le concours des nations européennes.

Cette double décision ne permet plus de prévoir que la question du monnayage soit tranchée négativement au cours de la session actuelle. Il est manifeste qu’un grand nombre de représentans, peu convaincus personnellement des avantages de la monnaie d’argent, sont contraints, par les préjugés de leurs électeurs, à voter pour le maintien du système actuel. Les dollars d’argent continueront donc à aller s’empiler, au fur et à mesure de leur fabrication,