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quelque part un service en mémoire de M. de Guise assassiné par Poltrot de Méré, mais qui trouvent eux, tout naturel, comme l’an dernier, de solenniser bruyamment le centenaire de la révocation de l’édit de Nantes. Dans un autre ordre d’idées, combien de fois n’a-t-on pas accusé le catholicisme de substituer à la patrie locale je ne sais quelle patrie universelle dont le siège visible serait à Rome ! Et, conséquemment, quelles précautions n’a-t-on pas prises, toujours tyranniques et souvent offensantes, pour contrarier ou empêcher en France les relations trop étroites de nos évêques avec la cour pontificale ? Qu’est-ce donc cependant que cette fameuse Alliance israélite universelle qui n’entretient pas seulement des relations à Rome ou à Jérusalem, mais dans tout l’univers, comme son nom l’indique, dont les membres dirigeans résident à Francfort, à Livourne, à Bâle, à New-York, à Bruxelles, à Leipzig ? et pourquoi les juifs peuvent-ils léguer à l’Alliance israélite ce qu’on ne permet pas aux catholiques de léguer à leurs congrégations pieuses ? Je recommande à ce propos la lecture du premier chapitre du second volume de M. Drumont : Crémieux et l’Alliance universelle ; et j’aimerais savoir ce que les juifs y peuvent répondre. Dans un autre ordre d’idées, pourquoi veut-on faire assumer à la France le protectorat des juifs du monde entier, jusqu’à intervenir, comme naguère en Roumanie, dans le règlement des affaires intérieures des états étrangers ? et cela dans le temps, où, si nous l’osions, nous renoncerions à protéger nos anciennes clientèles catholiques ? À moins que tous les juifs ne soient Français de droit, même ou surtout quand ils sont Roumains ? au rebours de nos missionnaires qui semblent perdre leur qualité de Français, s’ils vont prêcher l’évangile à la Chine ?

Je ne veux pas suivre plus loin M. Drumont dans cette voie des récriminations, car je sais qu’il y est partial, et je crains qu’il n’y soit pas toujours exact. Du moins a-t-on déjà relevé dans son livre de nombreuses inexactitudes, et puisqu’on en relève encore tous les jours, ce n’y sont sans doute pas les seules. Il est vrai que ces rectifications ne laissent pas elles-mêmes d’être singulières, comme quand l’un de ceux que M. Drumont a nommés dans son livre nous fait publiquement savoir qu’il n’est pas juif, mais protestant, ou catholique, et de plus qu’il ne compte pas un seul juif dans sa famille. Ce serait donc un crime d’être juif ? et il importerait à la postérité qu’ils s’en fussent lavés ? Mais après cela, l’inexactitude n’en subsiste pas moins, et c’est ce qui nous empêche, ainsi que nous disions, de suivre plus loin M. Édouard Drumont.

Au résumé, comme on le voit, et autant que nous en puissions juger pour notre part, au milieu de beaucoup d’exagérations, il ne laisse pas d’y avoir un peu de vérité dans ce livre. La vérité, c’est la satire