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intacte dans ses frontières, en possession de son influence libérale dans le monde. On fera de l’histoire de père Loriquet républicain tant qu’on voudra, c’est là la vérité. M. Clemenceau, à l’occasion d’une défense du régime de juillet, a laissé échapper dans cette discussion un mot qui pourrait être utilement médité. Il a dit, sans qu’on puisse trop voir à quoi il répondait : « Nous aurions deux provinces de plus et 10 milliards de moins à notre dette ! » Si M. Clemenceau a voulu dire que la révolution de 1848 a été pour quelque chose dans les malheurs qui ont depuis accablé la France, il avait certes raison. Le 25 février, le prince Louis Bonaparte était à Paris comme un héritier qui sentait que son heure approchait, — et, vingt ans après, le mot de M. Clemenceau était une réalité ! On conviendra qu’il n’y avait rien de pressant à revenir sur ce passé et à proposer des récompenses nationales pour ceux qui ont contribué obscurément à ouvrir à la France un si étrange avenir ; mais on tenait visiblement à s’essayer, à s’échauffer sur la révolution de février, pour en venir à l’expulsion des princes. C’est tout ce qu’on trouvait de mieux à faire !

Eh bien ! c’est là ce que le pays, qui est le premier intéressé et l’éternelle victime, doit voir distinctement. Lorsqu’il ne désire que le repos et la paix, on lui répond par des agitations et des proscriptions de princes qui ne sont certainement pas dans ses vœux. Lorsqu’il ne demande qu’à être respecté dans ses mœurs, dans ses habitudes religieuses, on se plaît à irriter les croyances, on s’amuse à prononcer, ne fût-ce que pour un moment et par passe-temps, la suppression du budget des cultes. Lorsqu’il réclame la prévoyance et l’économie dans ses finances, on s’empresse de voter des dépenses nouvelles, des subsides pour les combattans de toutes les insurrections. Lorsqu’il dit bien haut tout ce qu’il souffre dans ses intérêts, dans son agriculture, dans son industrie, on le rassure et on le soulage par les fêtes parisiennes ou par des déclamations, — ou bien encore les ministres s’en vont en voyage, l’un promettant au Nord la protection, l’autre promettant le libre-échange au Midi. —Tout est factice et incohérent dans la politique qu’on lui fait. C’est toujours la représentation qui continue et la France a plus que jamais le droit de demander si les républicains qui la gouvernent persisteront longtemps encore à voiler leur impuissance dans les affaires sérieuses par des épurations de fonctionnaires, par des violences de parti, par des scènes de tribune ou par de stériles débats sur toutes les révolutions du passé.

Après bien des incertitudes et des contradictions, voici enfin l’Europe délivrée, au moins pour ce printemps, de l’obsession des affaires d’Orient. La dernière difficulté qui aurait pu singulièrement embarrasser toutes les politiques et peut-être même devenir un danger pour la paix de l’Occident est à peu près résolue. Les cinq puissances unies pour imposer leur volonté par leur action diplomatique d’abord, puis