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y consentit très volontiers, ne sachant guère lui-même où donner de la tête. Il s’en suivit avec M. de Polignac et M. de Sémonville une scène très vive dont ce dernier a rendu compte, dans le procès des ministres, en termes qui n’en tempéraient pas la vivacité, ajoutant « qu’il s’était empressé de réunir ceux de ses collègues qu’il savait à Paris pour aviser sur la conduite qu’ils devaient tenir ; » ce dont, pour ma part, je n’avais point entendu parler. À l’issue de cette scène, et pendant que le conseil en délibérait, il paraît que MM. de Sémonville et d’Argout engagèrent le duc de Raguse à faire arrêter les ministres, et à prendre sur lui de transiger, au nom du roi, avec l’insurrection. Cette proposition, qui n’eut pas de suite et n’en pouvait point avoir, prouve seulement en quel état étaient les esprits. Il fut convenu que les deux missionnaires de paix se rendraient à Saint-Cloud sur-le-champ ; les ministres en firent autant de leur côté et ce fut à qui gagnerait l’autre de vitesse.

À Saint-Cloud, nouvelle scène. Nouvelle scène dont M. de Sémonville n’a pas laissé ignorer non plus la solennité et le pathétique. À l’en croire, ce fut sous le coup de cette scène que le roi se décida à réunir ses ministres en conseil et à mettre en question le maintien des ordonnances. Il est permis de penser que les tristes nouvelles qui arrivaient de momens en momens y concoururent quelque peu ; ce qui est sûr, c’est que la nouvelle de l’évacuation des Tuileries et de la retraite des troupes précéda l’ouverture du conseil, dont le premier acte fut la révocation du duc de Raguse, et l’ordre à lui transmis de remettre le commandement au dauphin.

Il n’est pas, néanmoins, exact de dire (Annuaire de 1830, p. 161) que la délibération fut courte et qu’on décida sur-le-champ la révocation des ordonnances : la question fut, au contraire, vivement et longtemps débattue ; j’ajoute, pour rendre justice à qui de droit, que celui des ministres qui s’était montré le plus opposé au coup d’état, et qui n’avait cédé qu’au dernier moment par un point d’honneur mal entendu de fidélité monarchique, fut celui qui, jusqu’au dernier moment, résista le plus à l’idée de rendre l’épée après l’avoir tirée et qui conseilla résolument au roi d’engager à fond la guerre civile, en transportant loin de Paris le siège du gouvernement. C’est l’opinion contraire qui prévalut, et M. de Mortemart fut chargé de former un nouveau ministère. Ce fut M. de Chantelauze qui contre-signa sa nomination ; l’espoir d’un 5 septembre monarchique ne lui avait pas porté bonheur.

M. le duc de Mortemart n’était à Saint-Cloud que de l’avant-veille. Ambassadeur en congé pour raison de santé, mais en même temps colonel des cent-suisses, il était venu prendre les ordres du roi, et remplir au besoin les fonctions de sa charge. Son nom, son rang à la cour et dans l’armée, ses services militaires sous le régime