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impérial, la modération bien connue de ses opinions et de son caractère, le rendaient très propre à devenir le chef d’un ministère de conciliation, et plus d’une fois nous y avions pensé nous-mêmes; c’était donc un choix indiqué par les circonstances. On ajoute que ce fut M. de Vitrolles, qui, s’étant trouvé là en mouche du coche bourdonnant autour du char embourbé, donna ce bon conseil à M. de Polignac. Faut-il en croire maintenant, sur le témoignage de deux principaux historiens de la révolution de juillet, que ce ne fut qu’un coup monté et un jeu joué, que, M. de Vitrolles s’étant mis d’avance en rapport avec M. Casimir Perier et le général Gérard par l’entremise du docteur Thiébaud, médecin du général, ces deux personnages politiques s’étaient offerts pour tirer le roi de peine en devenant ses ministres sous la présidence de M. de Mortemart, et que le porteur de paroles, repoussé avec dédain, la première fois, n’avait réussi qu’à la seconde et au dernier moment? Je n’en sais rien; tout ce que je puis dire, c’est qu’ayant vécu depuis dans une grande intimité avec M. Casimir Perier et le général Gérard, je n’ai rien recueilli de leur bouche qui vienne à l’appui de cette anecdote très difficile à faire cadrer avec le caractère des personnes et la précipitation des événemens; en tout cas, si mon nom, comme l’avance l’un de ces historiens, s’était trouvé prononcé dans un semblable a parte, j’affirme que c’eût été à mon insu et sans mon aveu.

La mission échue à M. de Mortemart n’était guère digne d’envie. Il en sentait lui-même au fond de l’âme le péril et l’amertume. Il fit longtemps résistance, je dis longtemps pour la circonstance, où les minutes étaient des heures. Le roi, pour l’y déterminer, en fut réduit à passer de l’autorité à la supplication; il alla même jusqu’à placer de force le brevet de ministre dans le ceinturon de son serviteur aux abois. M. de Mortemart, comme M. de Guernon-Banville, mais en sens inverse, ne céda qu’au point d’honneur de sujet et de gentilhomme.

Qu’on était déjà loin de la veille où ce même roi disait fièrement à ce même M. de Mortemart : « Je monterai, s’il le faut, à cheval, plutôt qu’en charrette comme mon frère! »

Qu’on était près, en revanche, du lendemain où ce même roi disait de ce même M. de Mortemart à ses anciens ministres : « Le voilà bien puni de ses opinions libérales ! »

Il fallut s’entendre, séance tenante, sur les conditions de la capitulation, non point à imposer, mais hélas! tout au plus à proposer.

Arrière les ordonnances! de même l’ajournement! Au surlendemain, 3 août, l’ouverture de la session ; à M. de Mortemart la présidence et les affaires étrangères ; à M. Perier les finances ; au général