Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/809

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout le premier qu’un tel gouvernement ne pouvait convenir à la France. s’il fut question de monarchie entourée d’institutions républicaines, l’idée et l’expression appartiennent exclusivement à M. de La Fayette, et quant à M. le duc d’Orléans, il se maintint fermement sur ce terrain que rien ne pouvait être changé à l’ordre établi que par le pouvoir législatif régulièrement et librement en plein exercice.

Il ne faut pas demander si, durant tout le cours de la soirée et fort avant dans la nuit les appartemens du Palais-Royal, voire même les cours et le jardin furent encombrés de féliciteurs, en attendant qu’ils le fussent des solliciteurs. L’adoration n’a jamais manqué au succès, ni l’admiration au soleil levant. Il y avait cette fois, d’ailleurs, je me plais à le reconnaître, bien plus que de l’engouement et des intérêts prochains, il y avait une joie sincère et patriotique d’une victoire légitime et chèrement achetée.

Je n’y fis pas nombre toutefois.

Plus je voyais s’approcher un dénoûment inévitable, plus je me sentais tenu d’en laisser peser sur nous la nécessité, et de n’y prendre part qu’autant que je m’y verrais naturellement appelé. J’avais promis au général Sébastiani d’être à la disposition du lieutenant-général, s’il avait besoin de mes services; je me bornai à renouveler cette promesse par un billet en deux lignes, en ajoutant que je ne me présenterais au Palais-Royal qu’autant que j’y serais mandé. Je reçus fort tard ce même billet, avec deux lignes de la main de M. le duc d’Orléans :

« Je vous attends avec impatience et je ne sais d’où est provenue cette erreur.

« LOUIS-PHILIPPE D’ORLEANS. »


Il n’était plus temps de déférer à cette invitation. Le lendemain, 1er août, je m’acheminai de très bonne heure vers le Palais-Royal, encore ouvert à tout venant, et où déjà se pressait la foule, comme la veille et l’avant-veille. A peine avais-je franchi la première grille qu’un valet de pied sans livrée me fit entrer, sans mot dire, par une petite porte bâtarde donnant sur l’arrière-cour, et me conduisit, par un escalier de service, jusqu’à la porte d’un arrière-cabinet où je trouvai le maître du logis déjà debout et à l’ouvrage.

C’est ainsi que je me trouvai introduit et presque installé dans le conseil intime du roi en herbe; mais avant de rien dire de ce que j’y fis et de ce que j’y vis, il convient d’indiquer ce qui s’était passé et se passait au dehors, et notamment dans la cour désemparée de celui qu’on pouvait déjà nommer le feu roi.

J’en emprunterai les détails aux historiens les mieux informés.