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« Dans la nuit du 30 au 31 juillet, cette nuit même où M. le duc d’Orléans quittait Neuilly pour le Palais-Royal, Charles X avait quitté Saint-Cloud pour se diriger sur Versailles (M. Mazas, dépêché par M. de Mortemart pour prévenir son départ, l’avait appris au point du jour, dans le lieu même qui porte ce nom). Apprenant que Versailles n’était point un asile sûr, le pauvre roi avait fait un crochet vers Trianon, où il était arrivé vers cinq heures du matin. Ses ministres du 8 août ne l’avaient pas quitté ; ils tinrent conseil en sa présence, et penchaient provisoirement à lever en Vendée et dans le Midi le drapeau de la guerre civile. »

Mais survint le dauphin.

« Avant d’abandonner Saint-Cloud, il avait voulu visiter les troupes dans leurs cantonnemens ; à Sèvres, il apprend que la plupart des soldats du bataillon suisse qui occupait le village venaient de livrer leurs armes aux habitans, et que ce point n’était plus défendu. Le pont qui traverse la Seine à la sortie du village était gardé sur la rive gauche par deux compagnies d’infanterie et deux pièces de canon. De l’autre côté de la rivière se pressait un gros d’insurgés qui tiraient quelques coups de fusil et paraissaient se préparer à forcer le passage. Le prince donna l’ordre de les refouler et de dégager la tête du pont. L’officier qui commande 1 infanterie garde le silence, les soldats restent immobiles sur leurs armes. Bientôt il se produit dans les rangs une agitation séditieuse, et le dauphin voit le détachement se disposer à passer en masse, sous ses yeux, à la cause du peuple. À ce spectacle, il lance son cheval au galop, se place à l’entrée du pont, faisant face aux soldats. « A vos rangs! leur crie-t-il, d’une voix à laquelle l’indignation donne une énergie inaccoutumée, et si vous voulez m’abandonner, que ce ne soit pas du moins comme des fuyards. »

Il fit alors avancer un escadron de lanciers qui balaya le pont par une charge vigoureuse, puis, se retournant vers l’infanterie : « Maintenant, dit-il, voilà la route qui mène au déshonneur ; elle est libre ; vous pouvez partir. »

Quelques instans après, les deux compagnies et les deux pièces de canon étaient en route pour Paris.

Ce triste échantillon d’un dévoûment aux abois coupait court à tout rêve de bloquer Paris, et de faire appel aux souvenirs des d’Elbée et des La Rochejaquelein, d’autant qu’il n’était pas unique à beaucoup près, et que tous les postes qui tenaient encore en étaient plus ou moins affectés ou infectés, on peut choisir entre les deux termes.

Le dauphin ne trouva pas sûre la position de Trianon et décida le roi à faire retraite sur Rambouillet.

« Le roi fit appeler M. Cappelle et le chargea de faire savoir à