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promettait à la France paix et liberté; ce gouvernement réclamait son concours, pourquoi aurait-il, pendant un mois ou deux, fait semblant de le lui refuser? M. Pasquier n’était non plus ni l’ami personnel ni l’obligé de Louis XVIII ou de Charles X, il n’était ni courtisan ni émigré, il avait servi la maison de Bourbon en ministre constitutionnel, travaillé à l’affermir par des voies ouvertes et régulières, combattu courageusement, dans son intérêt, les factions de droite et de gauche. Son opposition sous M. de Villèle avait été loyale et modérée; il n’était pour rien dans les ordonnances; mais, quand ces fatales ordonnances eurent à peu près jeté la monarchie dans les bras de la république, devait-il attendre, pour concourir à l’en retirer, que la catastrophe fût complète et le mal sans remède?

Thèse générale, en politique rien de mieux, rien de plus important sans doute que de rester fidèle à ses principes, à sa cause, à ses amis; mais rien de plus sot que de sacrifier le bon sens au qu’en-dira-t-on.

« Madame, disait à sa maîtresse au désespoir et qui refusait toute nourriture, une femme de chambre de grand sens, si vous êtes bien décidée à mourir, à la bonne heure ! mais si vous devez manger un de ces jours, pourquoi pas dès aujourd’hui? »

Non enim ponebat rumores unie salutem, est-il dit de Fabius.

Tandis que nous faisions de notre mieux pour mettre notre barque à flot, le roi de Rambouillet ne négligeait rien pour y grimper coûte que coûte. Informé ou non dès le matin du 1er août (lequel des deux, je l’ignore) de la réponse portée la veille au soir par M. de Berthois a M. de Girardin, il passa ce qui lui restait de troupes en revue et leur fit lire un ordre du jour ainsi conçu :


« Le roi fait connaître aux troupes de toutes armes qu’il est en arrangement avec le gouvernement établi à Paris, et tout porte à croire que cet arrangement est sur le point d’être conclu. Sa Majesté fait connaître ces circonstances à son armée, afin de calmer les inquiétudes et l’agitation que quelques régimens ont témoignées. Les troupes sentiront qu’elles doivent rester calmes et réunies, afin de veiller à la sûreté de la personne du roi jusqu’à ce que l’arrangement soit effectué. »

Cette première confidence n’ayant pas fait bon effet, et la débandade continuant, son auteur fit un pas de plus ; il rédigea et signa une déclaration plus expressive.

« Le roi, voulant mettre fin aux troubles qui existent dans la capitale et dans une partie de la France, comptant d’ailleurs sur le sincère attachement de son cousin le duc d’Orléans, le nomme lieutenant-général du royaume.

« Le roi ayant jugé convenable de retirer ses ordonnances du