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L’enfant de dix ans qu’il venait de proclamer roi reçut immédiatement les honneurs de la royauté. Ce fut le baron de Damas, son gouverneur, qui lui annonça son nouveau titre. M. de Damas l’exhorta à s’en rendre digne, lui par la du sacrifice de son grand-père avec une onction qui parut faire sur le jeune prince la plus vive impression. On remarqua qu’il devint immédiatement plus sérieux, et lorsqu’il revit Charles X, il écouta ses instructions d’un air recueilli et donna gracieusement l’ordre aux officiers de service.

C’était de cette double abdication que le général Latour-Foissac était porteur. « A onze heures du soir, cet acte fut remis au duc d’Orléans par M. le duc de Mortemart, dont le général avait demandé l’intervention. M. le duc d’Orléans prit immédiatement l’avis de son conseil intime sur l’usage qu’il devait faire de cette communication. Il fut reconnu sans hésitation qu’élevé à titre provisoire à la haute direction des affaires de l’état, il n’avait, en aucune façon, le pouvoir de lier la France sur une question de gouvernement, et par conséquent de faire proclamer Henri V ; qu’aux chambres seules il appartenait de donner aux abdications telle suite qu’elles jugeraient conforme aux droits, à la volonté et aux intérêts du pays; que le duc d’Orléans n’avait, en cette circonstance, d’autre rôle à remplir que celui d’intermédiaire entre Charles X et les chambres législatives. »

Restait le plus difficile. Charles X avait refusé de recevoir les commissaires qui lui avaient été envoyés ; il leur avait fait dire par le duc de Raguse qu’il n’avait que faire de leur protection et ne s’était humanisé qu’envers M. de Coigny, qu’il avait reçu en particulier. Au milieu de son royaume, lui avait-il dit, entouré d’une armée fidèle, il se sentait en sûreté ; il avait envoyé ses ordres à son lieutenant-général et ne quitterait Rambouillet que quand il les saurait exécutés.

Le 3 août, à six heures du matin, les commissaires étaient de retour ; ils réveillèrent M. le duc d’Orléans à peine endormi après les travaux de la nuit. » Une manifestation vigoureuse du gouvernement, lui dirent-ils, pourra seule obliger Charles X à s’éloigner. »

M. le duc d’Orléans convoqua sur-le-champ ses ministres, son conseil intime et M. de La Fayette, pour examiner ce qu’il serait possible de faire ; mais, avant même qu’ils fussent réunis, la décision n’était plus entre ses mains.

« Dans ces jours où tout Paris vivait sur la place publique, le résultat du voyage des commissaires n’avait pas tardé à être connu. Bientôt la rumeur avait grossi et mille bruits s’étaient répandus. Charles X, disaient les uns, refuse de quitter Rambouillet, d’où il prétend, avec ses anciens ministres, gouverner la France. Il marche