Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/841

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolution sociale; l’autre est allée à gauche dans la crainte d’une révolution politique, mais ni l’une ni l’autre n’est exactement représentée dans le parlement. Aussi, lorsque la nation, rompant le silence qu’elle garde depuis trop longtemps, signifiera sa volonté, nous assisterons à un lever de rideau qui surprendra bien les observateurs superficiels et qui leur fera croire que la France a changé d’opinion, tandis qu’elle se bornera à parler au lieu de se taire comme aujourd’hui. L’histoire nous a montré, dans ce siècle, plusieurs de ces réveils dans lesquels la nation a repris la place qu’avaient usurpée les politiciens.

Si la chambre actuelle des députés n’est pas l’expression fidèle de l’opinion publique, dispose-t-elle au moins d’une majorité? Les membres du gouvernement et les membres de la commune portés sur la même liste, nommés par les mêmes électeurs, pensent-ils de même sur les principales questions? Ici, éclate dans toute sa beauté le mérite du scrutin de liste. On n’a pas oublié que, pour faire adopter ce nouveau système électoral, on a surtout parlé de la nécessité de n’avoir plus que des députés nommés sur un programme bien défini: les questions de personne devaient disparaître pour faire place aux principes ; voilà la théorie, voilà les déclarations faites en public. Voyons les faits : au 4 octobre, dans presque tous les départemens on rencontrait deux listes républicaines dont les programmes étaient en contradiction sur presque tous les points ; le 18 octobre, il n’y avait plus de programme, il n’y avait plus qu’une liste sur laquelle se rencontraient des noms qui juraient de se trouver ensemble. Ceux qui croiraient que ces résultats ont trompé les prévisions des promoteurs du scrutin de liste commettraient une erreur. Ce mode de scrutin n’a été inventé que pour assurer à un certain parti la majorité aux élections ; pour atteindre ce but, tous les moyens ont paru bons aux opportunistes. On a d’abord, tout en maintenant en droit le suffrage universel, livré en fait l’électeur à la discrétion de l’administration et des comités électoraux ; on a, ensuite, trouvé le moyen de réunir sur une même liste les opportunistes et les radicaux. Sur ces deux points, les promoteurs du scrutin de liste ont pleinement réussi. Sur un seul point leurs prévisions ont été en défaut : ils n’avaient pas compté sur la chute du ministère au lendemain de l’échec de Lang-Son, et ne disposant plus en maîtres de l’administration, ils ont été forcés de faire une part plus large à leurs frères ennemis les radicaux. Sans ce dernier mécompte, ils auraient probablement obtenu un résultat aussi satisfaisant pour eux que celui donné par les récentes modifications apportées à la loi électorale du sénat.

Quoi qu’il en soit, le parti républicain dans la chambre est