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coups leurs munitions sont épuisées. Leur déplacement est de 45 tonneaux. Leur approvisionnement de charbon est de 8 tonneaux ordinairement, et de 10 à 11 au maximum. Cet approvisionnement leur permet de faire un trajet d’autant plus long que leur vitesse est plus modérée; leur plus grande vitesse est de 21 nœuds, environ 40 kilomètres à l’heure. En réduisant cette vitesse à 12 nœuds, soit 22 kilomètres à l’heure, leur charbon leur permettra de parcourir un trajet d’environ 1,200 milles marins, soit 400 lieues marines, ou 2,222 kilomètres. Mais ils ne peuvent embarquer que deux jours d’eau pour la machine, ce qui limite beaucoup le trajet qu’ils pourraient accomplir s’ils étaient munis d’un bouilleur destiné à leur fournir de l’eau à volonté. Ils peuvent, à la rigueur, embarquer vingt jours de vivres de campagne. Leur équipage, officiers compris, est de treize hommes en équipage réduit et de dix-neuf au complet[1].

Par ces renseignemens le lecteur se rendra plus facilement compte de la discussion qui va suivre.

Les voilà, ces fameux torpilleurs autonomes que leurs enthousiastes regardent comme tellement redoutables, toujours, partout et à coup sûr, en pleine mer, aussi bien que sur les côtes, aux vaisseaux de guerre comme aux navires du commerce, et comme ayant eux-mêmes si peu à redouter qu’ils affirment que leur apparition est le signal de la retraite ou de la destruction de ces vaisseaux ! Ils supposent, en conséquence, que la multiplication de semblables torpilleurs doit en temps de guerre provoquer chez les belligérans le désarmement général des flottes militaires et des flottes du commerce, ou amener la perte certaine de tous les bâtimens qui oseront quitter le port; ils se flattent que, par l’effet terrible des armes nouvelles et par la rigueur impitoyable qui sera déployée dans leur usage, le régime de la future guerre devant être dépouillé de tous les tempéramens qui jusqu’ici pouvaient en adoucir les maux, l’excès de ces maux engagera les nations à s’entendre pour supprimer le fléau de la guerre lui-même et pour trouver un moyen moins cruel et plus raisonnable de régler leur différends.

La question vaut la peine assurément d’être éclaircie ; elle nous paraît très nettement posée dans un extrait de l’Étude sur la guerre navale, publié récemment dans plusieurs journaux. On voit par cette publicité combien ces idées ont été répandues dans un monde qui, étranger aux choses de la marine, ne peut les contrôler par lui-même, et combien il est naturel et à propos que les gens du métier qui ont été mêlés activement à ces questions et qui pensent

  1. c’est ce torpilleur qui, dans la toute récente classification officielle qui vient d’avoir lieu, a reçu la dénomination de torpilleur de haute mer.