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NOTES
PRISES DANS
UNE EXCURSION EN ALLEMAGNE

Berlin, 20 avril 1886. — Vous venez de traverser un pays qui semble vide : point de villes à l’horizon, point de villages; ni hommes ni bêtes dans la campagne; de petits chemins qui ont l’air de ne mener nulle part; sur le fond, qui est de sable, des plaques de verdure, des flaques d’eau, des bois de plus rabougris; une platitude silencieuse sous un grand ciel que ce néant semble agrandir. Tout d’un coup vous entrez dans une capitale.

Quand une ville est devenue célèbre, on trouve moyen d’expliquer sa fortune, comme on découvre des aïeux aux banquiers enrichis. Maints auteurs ont démontré que Rome ne pouvait se dispenser de devenir la maîtresse du monde, et il y a des panégyristes de l’emplacement de Berlin. Berlin, disent-ils, est au milieu de l’Allemagne du Nord, entre deux fleuves entièrement allemands, l’Elbe et l’Oder, à égale distance de la montagne et de la mer, du moyen Rhin et de la moyenne Vistule, de Cologne et de Varsovie, de Luxembourg et de Memel, au croisement de vingt routes commerciales, au lieu exact d’où toutes les parties de l’Allemagne, quelques cantons bavarois exceptés, sont le plus accessibles.

Soit ! Mais il faut ajouter : Il s’est rencontré là des princes que la misère a excités à l’effort perpétuel, et qui, pour défendre leur rase campagne, ouverte à tous les vents et à toutes les attaques, ont dû appuyer leur frontière au sud sur la montagne, la pousser au nord