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affaires ; il sait que si le malaise est partout, si sa paix morale est troublée, si ses finances sont épuisées, si son industrie et son commerce souffrent, si le crédit de la France a diminué dans le monde, c’est le résultat de toute une politique aveugle de parti. Il n’y a que quelques jours, dans une réunion d’honnêtes industriels, de simples fabricans de jouets, un homme tout pratique, ayant un grand négoce, M. Lourdelet, le disait sans détour : « Au lieu de s’adonner à l’étude des questions d’affaires, on consacre le temps à des discussions irritantes. … » Et comme on l’interrompait, il ajoutait aussitôt : « Il suffit de sortir de nos frontières pour savoir ce qu’on pense au juste de ceux qui nous gouvernent. Ceux de nos compatriotes qui sont à l’étranger n’ont que trop de raisons de n’être fiers ni du gouvernement ni du parlement… » Voilà la vérité ! Il y a un autre point sur lequel les républicains ne peuvent avoir d’illusion : c’est qu’avec des violences ils ne remédieront à rien, et ils n’intimident plus personne. L’opinion française ne se laissera pas arrêter par des brutalités de parti ; le pays se sent assez maître de lui, assez fort pour avoir raison des fous et de ceux qui, par faiblesse, seraient les complices des fous.

En a-t-on fini, cette fois, sérieusement fini avec cette éternelle affaire d’Orient, objet des soucis de la diplomatie ? La paix de l’Europe, qui n’est jamais assurée tant que tout n’est pas réglé et qu’il reste une petite issue pour l’imprévu, cette paix, dont tout le monde s’occupe, est-elle définitivement à l’abri de surprises nouvelles ? On peut le croire, puisque le dernier incident de la crise orientale, l’incident hellénique, semble clos maintenant sur la frontière de l’Épire, comme dans les eaux du Pirée, puisque la Grèce a commencé son désarmement et que les cinq puissances alliées pour ramener le peuple hellène à la raison ont atteint le but de leur campagne diplomatique et navale. Ce n’est pourtant pas sans peine qu’on a fini par arriver à un dénoûment. Les puissances ont paru d’abord décidées à garder leur menaçante attitude, à ne pas lever le blocus des ports helléniques, tant que la Grèce ne leur aurait pas notifié, par voie officielle et authentique, son désarmement. Le chef du nouveau cabinet d’Athènes, M. Tricoupis, de son côté, voulait bien désarmer, mais sans se croire obligé à une notification qui pouvait ressembler à une soumission mortifiante, presque à une aliénation d’indépendance. Cela aurait pu durer longtemps ainsi. Le nouveau ministre des affaires étrangères du roi George, M. Dragoumis, a heureusement trouvé un moyen indirect de donner une sorte d’authenticité au désarmement et, ce qu’il y a de plus curieux et de plus piquant dans cet épilogue d’une singulière campagne de diplomatie, c’est qu’au dernier moment, le secours le plus empressé et peut-être le plus efficace est venu à la Grèce de la puissance avec