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nilles, des coléoptères, des araignées, qui, lorsqu’on les touche, ce qui est pour eux toujours l’indice d’un grand danger, font le mort, se mettent en boule, immobiles, inertes, ne réagissant plus, si bien qu’on croit les avoir tués.

Chaque animal a sa manière de réagir spéciale : le papillon s’envole en détours capricieux ; la tortue rentre dans sa carapace ; l’abeille, surprise par un ennemi, le pique avec son aiguillon ; le poulpe vide sa poche d’encre ; le hérisson se roule en forme de boule ; d’autres animaux poussent des cris perçans. Ce sont là toutes réactions qui représentent des moyens de défense divers. Est-ce que l’émotion de la peur les accompagne ? Nous ne le saurons sans doute jamais ; car le problème le plus mystérieux de la psychologie, c’est probablement la connaissance de la conscience des animaux. Cette conscience, est, croyons-nous, très obscure ; mais elle va peut-être jusqu’à une vague frayeur. Qui sait si l’abeille, qui, prise entre nos doigts, nous pique vivement de son dard acéré, n’a pas un certain sentiment de frayeur ?

Le tremblement produit par la peur est difficile à expliquer. Darwin avait déjà fait remarquer que, pour un animal, le fait de trembler est nuisible plutôt qu’utile, et que, par conséquent, au point de vue de la sélection naturelle, il est difficile à expliquer.

Certes, quand Darwin s’est reconnu impuissant à donner la raison d’un phénomène, il ne faut guère, après lui, espérer trouver une solution satisfaisante. Cependant on peut, ce me semble, dans une certaine mesure, assimiler le tremblement à la paralysie. Le défaut d’incitation nerveuse, qui amène l’affaiblissement et l’impuissance musculaires, se caractérise par le tremblement comme par l’immobilité, de sorte que dire que la peur fait trembler, c’est à peu près comme si l’on disait que la peur paralyse. Ainsi la peur qui fait trembler amène l’impuissance absolue du mouvement : c’est donc un phénomène d’inhibition.

Le frisson est un des symptômes les plus constans de la peur ; et, chez la plupart des quadrupèdes, la frayeur est caractérisée par un tremblement plus ou moins général. Nous avons tous vu des chiens craintifs qui, dès qu’on les menace, ont un tremblement convulsif général de tous les muscles du corps.

Il n’est d’ailleurs pas impossible que les émotions fortes, par suite de la disposition du système nerveux, provoquent certains symptômes qui n’aient aucune utilité pour l’organisme. L’organisme est contraint de réagir à toute excitation très forte, et cette réaction peut être défavorable à la vie même de l’animal. D’une manière générale, toute réaction a sa raison d’être ; mais il en est sans doute qui sont physiologiquement nécessaires, quoique inutiles et peut-être à certains égards funestes, de sorte que, dans