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renaître et de sortir d’un injuste oubli ; c’est aussi la gravure au burin, la vieille, la vraie gravure, qui marche avec rapidité dans la voie d’une transformation complète.

C’est à l’initiative hardie de M. Gaillard qu’est dû, en grande partie, ce mouvement singulier qui s’accentue chez les burinistes et qui les pousse, devant l’œuvre peinte qu’ils interprètent, à ne se plus contenter d’une traduction, dans leur langue spéciale et par leurs moyens propres, de l’œuvre originale, mais à s’efforcer de rendre sur leur planche la touche même du peintre et l’aspect matériel de sa facture. M. Gaillard a d’abord appliqué ce procédé, avec un bonheur inouï, à l’interprétation des vieux maîtres flamands ou hollandais ; il l’applique aujourd’hui directement à la représentation des figures vivantes. Ses deux étonnans Portraits de la sœur Rosalie et de Mgr Billard, évêque de Carcassonne, dissimulent, plus encore que ses portraits précédens, le travail extraordinairement patient, subtil et fin du burin et de la pointe. A quelques pas, on dirait des dessins estompés. C’est d’une exécution merveilleuse et absolument personnelle, mais qui doit, ce nous semble, rester personnelle. On en peut dire autant des planches de M. Chauvel, qui apporte le même esprit dans la gravure de paysage. Son Lac, d’après Corot, est une transposition d’une fidélité surprenante et d’une intelligence supérieure, un tour de force invraisemblable de rendu. Cependant, il ne faudrait pas pousser la chose à l’excès, ni, sous prétexte de rompre avec les insipides formules de la taille parallèle et de la hachure en losange, abandonner ces habitudes de précision et de fermeté dans le dessin, qui sont le principe même de la gravure, qui resteront toujours sa force et qui garantiront seules sa durée.

A côté des œuvres originales de MM. Gaillard et Chauvel, on peut donc encore étudier avec profit beaucoup d’autres œuvres où les anciennes façons de pratiquer la taille suffisent à des artistes habiles et consciencieux, pour rendre avec charme ou fermeté des œuvres anciennes ou contemporaines. Il ne faut pas dédaigner la manière sobre et austère avec laquelle M. Haussoullier, disciple fidèle des florentins, détermine ses formes et subordonne ses modelés, ni la façon élégante et souple dont M. Jules Jacquet interprète le Printemps et la Daphnis et Chloé de Millet, M. Achille Jacquet le Portrait de M. Mackay par M. Cabanel, M. Annedouche la Byblis de M. Bouguereau.

Dans une manière moins classique, la Mort de sainte Geneviève, par M. Léopold Flameng, d’après M. J.-Paul Laurens, qui lui a valu la médaille d’honneur, est une œuvre sérieuse et forte qui couronne dignement une carrière laborieuse. Le nombre des