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pour mériter l’immortalité dans de pareilles dimensions. On comprend encore ces dimensions données à une attitude énergique, a une action simple, entraînant un beau développement du corps, comme celle du faucheur, du semeur, du moissonneur. Mais le même paysan qui nous intéresse dans sa grandeur professionnelle en remplissant une tâche austère, nous intéresse bien moins lorsqu’il vaque à ses petites affaires domestiques. On accepte, sur le square de Sainte-Clotilde, la grande paysanne de M. Delaplanche apprenant à lire à sa fille ; on ne se l’imagine pas conservant la même ampleur pour lui raccommoder ses bas ou pour lui tremper sa soupe. Au contraire, on ne serait pas surpris que le Pastour dans la steppe, de M. Tourguénef, pût être agrandi, car l’altitude du paysan à cheval, regardant l’espace, est naturellement simple et grande. Cependant M. Tourguénef, avec tact et discrétion, ayant trop de détails précis à marquer, s’est montré plus réservé ; peut-être a-t-il en raison.

Pour tous les sculpteurs qui n’ont pas de commandes monumentales, qui ne sentent pas en eux d’ambitions décoratives, ou qui n’ont pas le goût des scènes familières, c’est-à-dire pour le plus grand nombre, la forme humaine, en repos ou en action, reste toujours le thème favori qu’on peut éternellement rajeunir. Parmi ces études plastiques, on en peut noter de fort bonnes : notamment, le jeune homme tenant une grappe de raisin que M. Just Becquet, un de nos ciseleurs de marbre les plus précis et les plus soigneux, appelle, on ne sait trop pourquoi, l’Apologie de la vigne française, le Faune jouant avec un masque, de M. Suchetet, auquel nous ne reprocherons qu’une certaine tendance à l’amollissement des formes, le Démocrite rieur et pansu de M. Etchelo, la Découverte d’une statue de l’Amour par une jeune fille, de M. Blanchard. On retrouve le beau sentiment de vie qui animait tous les ouvrages du pauvre Schœnewerk et de sa rare habileté à rendre l’élasticité de la chair dans son groupe charmant d’une jeune femme emmenant l’Amour, le Prisonnier dangereux. La Danseuse arabe, de M. Saint-Marceaux, nue, des babouches aux pieds, soulevant une portière, n’est point conçue avec la simplicité ferme à laquelle cet excellent artiste nous avait accoutumés. Les détails pittoresques des accessoires y rapetissent le sujet. Néanmoins, c’est une figure souple et fine et qui n’est point sans attrait. Les études de MM. Bastet, Dumilâtre, Laporte, Louis Moreau, Hercule, d’Astanières, Escoula, Fournier, Perrault, Thabard, de Mlle Signoret, dans le même ordre d’idées, sont aussi des travaux fort estimables et qui méritent l’attention.

Pour ce genre d’études, le jury d’admission a déployé, par