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Dès lors, le roi Louis II se fit un devoir de se rendre agréable à la cour de Prusse et de se recommander au bon vouloir du chancelier de la Confédération du Nord par ses abstentions ou par ses complaisances. Ce fut, à vrai dire, sa seule règle de conduite ; mais il faut lui rendre la justice qu’il ne s’en départit jamais, et il prouva ainsi qu’il était capable de constance dans ses résolutions. Il aimait sa gloire, il aimait encore plus son repos. Il ferma l’oreille aux insinuations des patriotes qui se plaignaient qu’on fit trop bon marché de la fierté bavaroise ; il conforma toujours sa politique aux convenances et aux désirs de M. de Bismarck.

Le meilleur moyen de ne pas trop souffrir de sa dépendance est de vivre en de bons termes avec les puissans et de se créer des droits à leurs bons procédés. Louis II disait à ses ministres : « Ne m’attirez pas d’ennuis et laissez-moi rêver en paix. » Le prince Hohenlohe, qu’il avait appelé à la présidence de son conseil, était l’homme le plus propre à établir de bons rapports entre la Bavière et la Prusse, en conciliant la dignité avec beaucoup de modestie et avec la prudence la plus circonspecte. » Nous ne voulons pas entrer dans la Confédération du Nord, disait-il aux députés bavarois dans la séance du 6 octobre 1867 ; mais nous ne voulons pas créer une ligue constitutionnelle des états de l’Allemagne du Sud sous la conduite de l’Autriche ; nous voulons encore moins instituer une Confédération du Sud s’appuyant sur une puissance non allemande ; nous ne voulons pas non plus pratiquer une politique de grande puissance, et nous ne pensons pas qu’il nous convienne de nous arroger un rôle de médiateurs. » C’était dire : « Nous nous réservons, nous attendons les événemens ; nous ne voulons pas nous donner, mais nous sommes prêts à nous laisser prendre. Nous ne ferons rien qui puisse déplaire à Berlin, et le jour où nous n’aurons plus à compter avec l’Autriche et avec la France, M. de Bismarck nous trouvera disposés à faire tout ce qui lui plaira. »

Ce jour ne tarda pas à venir, et on s’exécuta de bonne grâce. Au lendemain de Sedan, les états du Sud furent mis en demeure d’accéder à la confédération du Nord. Il en coûtait à Louis II de reconnaître dans un Hohenzollern le suzerain naturel des Wittelsbach. Il dévora ses chagrins ; il se contenta des concessions, du traitement de faveur que lui octroyait M. de Bismarck. — « Enfin le traité bavarois est terminé et signé, disait avec émotion le chancelier au plus indiscret de ses confidens, le docteur Moritz Busch. Apportez une bouteille de Champagne ; c’est un événement. Que serait-il arrivé si je m’étais obstiné et si rien ne s’était conclu ? Mes inquiétudes étaient mortelles. Les journaux ne seront pas contens ; ils diront : « L’imbécile aurait pu obtenir davantage. » Mais j’ai voulu que les Bavarois fussent satisfaits ; je n’ai pas voulu les mettre à la torture, exploiter la situation. » Les Bavarois étaient