Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le roi le convoquait, à des dates irrégulières, suivant son bon plaisir. En vingt-trois ans, de 1666 à 1689, on n’avait pas daigné le réunir une seule fois. A partir de la révolution, l’usage s’était introduit de le convoquer tous les deux ans. Jusqu’à quel point cet usage constituait-il un droit, on ne saurait le dire. En tout cas, ce droit, s’il existait, était facile à éluder par une prorogation indéfinie. Tout projet de loi devait être examiné et approuvé d’abord dans le conseil privé d’Irlande, puis dans le conseil privé d’Angleterre. Alors seulement commençait la discussion dans le parlement de Dublin. Mais le droit d’amendement n’existait pas : la loi devait être acceptée ou rejetée en bloc, sous la forme visée par le gouvernement de la métropole. Une fois votée, elle repassait de nouveau le canal de Saint-George pour aller chercher la sanction royale. En ce qui touche la loi de finances, le parlement irlandais prétendait à l’initiative ; mais cette initiative ne lui était pas reconnue par le parlement anglais, et on lui contestait, dans les jours de prospérité, le droit de disposer de ses excédens de recettes. D’ailleurs, l’importance de la loi de finance était singulièrement restreinte par l’existence du « revenu héréditaire, » sorte de budget permanent, dont le service était garanti par certains impôts et que les rois considéraient comme leur propriété absolue. C’est avec ces fonds que s’engraissa la meute rapace de courtisans et de courtisanes, venue d’Allemagne à la suite des Brunswick.

Le parlement irlandais n’était point septennal comme le parlement anglais ; ses membres étaient nommés pour toute la durée d’un règne. Sur trois cents membres qui le composaient, plus de la moitié occupaient des places ou recevaient des pensions du gouvernement. Un siège au parlement passait de main en main, comme une valeur de bourse, haussait ou baissait suivant les circonstances politiques et les variations du crédit, suivant l’âge et la santé du roi. Un simple mandat valait environ 2,000 livres, la propriété d’un bourg de 9,000 à 10,000 livres. D’après un calcul de M. Lecky, cinquante-trois pairs disposaient de cent vingt-trois sièges dans la chambre basse. D’après un autre calcul, que j’emprunte à M. Fronde, l’ensemble des sièges appartenant aux lords, laïques et ecclésiastiques, s’élevait à cent soixante-seize.

Les whigs et les tories avaient alors presque disparu du parlement anglais. On ne connaissait plus que le groupe ou, comme on disait, l’intérêt de Newcastle, l’intérêt des Grenvilles, celui du duc de Bedford. En dehors de ces noyaux parlementaires, quelques récalcitrans et quelques indécis qui flottaient, comme des épaves cosmiques, passant d’une sphère d’attraction à une autre, en quête d’une nébuleuse ministérielle en formation. Si les distinctions de partis étaient à demi effacées à Westminster, elles étaient complètement inconnues à Dublin. Les Oeresfords, les Fitzgeralds, les Boyles, les