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horizontales ; il n’y a d’exception que pour les textes qui ne comprennent que deux ou trois signes. Partout ailleurs, on rencontre ces barres, que sépare un intervalle d’environ dix centimètres ; elles ont la même saillie que les caractères. De ceux-ci les uns occupent toute la hauteur, et les autres, plus petits, la moitié du champ ; dans ce dernier cas, il y en a deux entre les lignes. Grâce à ces divisions, l’écriture, malgré les dimensions inégales des signes, est plus symétrique et d’une régularité plus monotone qu’en Égypte.

A peine avait-on commencé de transcrire ces textes et de les comparer entre eux que l’on dut se demander quel était le peuple auquel il convenait de les attribuer, et la question prenait plus d’intérêt à mesure qu’ils se multipliaient et que l’on en constatait la présence sur des points plus nombreux et que séparaient de plus larges espaces. Comme il arrive toujours en pareil cas, lorsque se pose un problème de ce genre, plusieurs de ceux qui en poursuivaient la solution l’ont entrevue au même moment[1] ; mais c’est surtout M. Sayce qui a eu le mérite de l’apercevoir clairement et de lui donner le degré de vraisemblance qui, dans cet ordre de recherches, équivaut presque à la certitude.

Fellow de Queen’s College à Oxford, suppléant de M. Max Muller dans la chaire que celui-ci a illustrée, M. Sayce est peut-être aujourd’hui le plus brillant et le plus en vue des érudits anglais, celui qui, avec la science la plus étendue et la plus variée, a l’intelligence la plus souple et la curiosité la plus passionnée. Un seul de ses ouvrages a été traduit en français, c’est celui que M. Bréal annonçait en ces termes : « Lors de la première apparition de ce livre, je fus charmé de trouver sous une forme élégante et facile tant d’aperçus nouveaux, une telle abondance de savoir, une manière de voir si indépendante et si originale. Ce qui donnait aux idées de M. Sayce un tour particulier, c’est qu’en abordant l’étude des langues aryennes, il y apportait un esprit déjà familiarisé avec d’autres types de langues. Grâce à cette préparation, il a échappé à certaines erreurs qui avaient cours alors et qui continuent encore de subsister dans certains ouvrages de linguistique. Il a soumis à une critique sagace certains principes qui étaient non pas toujours énoncés, mais implicitement admis et qui passaient de livre en livre[2]. »

L’indépendance et la hardiesse de l’esprit, c’est bien là, en effet, ce qui caractérise surtout M. Sayce. En toute question, il se lance,

  1. Dès 1872, quand il envoyait en Angleterre les moulages des inscriptions de Hamath, H. Wright proposait d’attribuer ces textes aux Hétéens.
  2. A. H. Sayce, Principes de philologie comparée, traduits en français pour la première fois par Ernest Jovy, professeur au collège de Loudun, et précédés d’un avant-propos par Michel Bréal, in-12, 1884 ; Delagrave.