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confidence lui fut faite de tout ce qui était projeté. Le médecin flamand s’apprêtait, en ce temps-là, à faire un voyage aux Pays-Bas. Le chevalier de Rohan le vint trouver à cette occasion ; ils discoururent ensemble dans le jardin de la maison de Picpus. Le chevalier dit entre autres choses à son interlocuteur « qu’il était un cavalier libre, qui pourrait servir tout prince qui le voudrait et qu’il avait quelque velléité d’aller se mettre au service du duc de Brunswick. » Il demanda à Van den Enden de profiter de l’occasion de son voyage en Hollande, pour s’enquérir des dispositions des Hollandais et savoir « s’ils seraient en humeur de donner un emploi ou un établissement convenable à un prince comme lui. » Le médecin répondit qu’il était tout à sa disposition, et, en effet, une fois rendu en Hollande, il s’acquitta de la commission, mais il ne rencontra pas chez les Néerlandais les bonnes dispositions qu’il avait espérées. Ceux auxquels il s’ouvrit sur les intentions du chevalier de Rohan, lui firent observer que le gouvernement de leur pays était fort éloigné d’appeler à son service des princes étrangers, que la preuve en était que le fils d’un prince dont ils lui citèrent le nom avait eu grand’peine, en Hollande, à obtenir un régiment. Les divisions qui régnaient alors aux Provinces-Unies détournèrent Van den Enden de nouvelles démarches en faveur du chevalier de Rohan. Du reste, le séjour du médecin flamand en Hollande fut de courte durée. Au bout de quelques jours, ayant réglé les affaires qui avaient nécessité sa présence à Amsterdam, il était revenu à Paris et allait informer le chevalier de Rohan de l’accueil peu favorable qu’avait rencontré la proposition dont il était porteur. Déçu dans son espoir d’obtenir, aux Provinces-Unies une position élevée et qui lui assurât un rôle important dans la guerre qui se préparait, le chevalier se rabattit sur la conspiration qui se tramait. Il s’occupa avec Latréaumont d’y recruter des adhérens que devaient leur fournir d’abord ceux avec lesquels ils avaient des liens de famille ou entretenaient des relations de société. De là, de fréquens conciliabules qui se tenaient tantôt chez le chevalier, à Saint-Mandé, où il était allé depuis peu se loger, tantôt ailleurs.

Comme l’un des pivots de l’entreprise devait être un soulèvement en Normandie, les instigateurs s’adressèrent, de préférence, à des nobles de cette province. Quelques-uns parurent disposés à s’associer à leurs desseins, mais le procès qui amena la condamnation des auteurs du complot montre que ces gentilshommes n’étaient point allés fort avant dans leur adhésion ; ceux qui s’étaient le plus engagés n’occupaient pas une position et un rang de nature à leur assurer une grande influence sur leurs compatriotes. Citons parmi les nobles qui prirent part aux premières menées se rattachant au complot et