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ambition et intérêt particuliers, ladite noblesse et ledit peuple assemblés convient et exhortent toutes les provinces de ce royaume, villes, corps ou communautés d’icelui, de concourir à leur bon dessein pour la demande unanime des états-généraux, et, pour l’obtention d’iceux, offrant pour cet effet aux provinces, villes, corps et communautés qui se joindront à eux, tous les secours d’hommes et d’armes et de conseil qu’ils seront capables de leur donner, et aux particuliers qui se retireront vers eux un utile assuré et de quoi les entretenir selon leur qualité et leur emploi. »

On le voit par cette curieuse proclamation, les conspirateurs s’imaginaient, en promettant à la province un régime républicain, la suppression des impôts qui pesaient sur elle, et des poursuites contre ceux qui les percevaient, rallier à eux, en recourant, au besoin, à l’intimidation, les gentilshommes mécontens et le peuple à leur suite. Les espérances qu’ils nourrissaient pouvaient n’être pas totalement chimériques, en ce qui touche surtout la possibilité d’un soulèvement en Normandie et même en Bretagne. Les nouvelles levées d’impôts qu’avaient nécessités les dernières guerres, la multiplication de ceux-ci avaient produit dans ces provinces une vive irritation qui se manifestait aussi dans d’autres, notamment en Guyenne ; il n’y manquait pas de gens disposés à prendre part à une guerre civile dans laquelle ils se seraient fourrés jusqu’aux yeux, comme promettait de le faire un sieur Brissac, qui fut impliqué dans cette conspiration.

À cette époque, le duc de Chaulnes, qui commandait en Bretagne, ne cessait d’écrire à la cour que la noblesse qu’il avait fait aviser n’était pas capable de résister aux rebelles qui se rassemblaient en foule et qu’il avait un pressant besoin de troupes réglées. Des propos séditieux se tenaient assez ouvertement en Normandie ; aussi Latréaumont, qui les recueillait, se flattait-il d’embaucher dans cette province de nombreux adhérens. C’est à cet homme sans scrupules qu’il faut surtout rapporter la conception des odieux moyens par lesquels on pensait assurer la réussite de l’entreprise. Le chevalier de Rohan, sur lequel il avait pris tant d’ascendant, n’était guère qu’un instrument entre ses mains ; ainsi que le remarque judicieusement La Fare, dans le passage suivant : « Il espéra, — dit-il à propos de Latréaumont, qu’il déclare avoir eu plus d’esprit que son patron, — en se servant du chevalier de Rohan comme d’un fantôme, faire une grande fortune, en introduisant les Hollandais en Normandie, d’où il était et où il avait beaucoup d’habitudes. Le mécontentement des peuples et la Guyenne et là Bretagne, prêtes à se soulever, le confirmèrent dans cette pensée. » Latréaumont n’avait pas reculé, pour arriver à ses fins, devant la trahison et