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certaine étrangeté. Sous les tropiques, se rencontrent les espèces les plus grandes comme les plus favorisées par la fraîcheur du coloris ; sous les climats froids ou tempérés, habitent les espèces ou de petite taille ou de nuances sombres ; — elles ont d’autres titres que la parure à notre attention.

A s’en rapporter aux méthodes des naturalistes, les araignées composent un ordre de la classe des arachnides : ce sont les aranéides, une division si bien caractérisée, si parfaitement circonscrite, qu’en la nommant, elle se trouve suffisamment désignée. Chez ces animaux la tête et le corselet sont confondus en une seule masse ; en dessus, c’est une sorte de bouclier dorsal qui, vers la partie antérieure, supporte les organes de la vision. D’ordinaire, les yeux sont au nombre de huit, mais, selon les types, ils sont fort diversement groupés. Un aimable observateur, Walckenaer, très connu dans le monde des lettres par ses études sur La Fontaine et sur Mme de Sévigné, eut l’idée de considérer les particularités dans la disposition des yeux, comme des signes propres à faire distinguer les familles et les genres parmi les araignées ; — c’était tout au commencement du siècle. Il y a une vingtaine d’années, on alla plus loin ; de remarquables coïncidences entre la disposition des yeux et les habitudes des espèces avaient été saisies. Après avoir beaucoup observé, avait jailli une nouvelle clarté. Désormais, la disposition des yeux étant reconnue chez une araignée, même une espèce étrangère dont la vie reste ignorée, on saura déclarer avec certitude les conditions d’existence de l’animal ; à peu près, comme si telle araignée disant : Regarde mes yeux, le naturaliste, tout de suite, répondait : Tu vis errante, tu es une chasseresse ; certes, tu n’es pas une recluse qui, dans l’ombre, dissimule sa présence, ou une fileuse solitaire accroupie sur sa toile. Les yeux ne roulent pas dans une orbite comme chez l’homme, les cornées étant simplement une partie tégumentaire qui demeure transparente. L’immobilité est une imperfection relative, un défaut ; mais il y a une compensation ; le nombre des organes diversement orientés supplée au défaut de mobilité et le mode de dispersion ou de groupement des organes répond aux nécessités de la vue de l’animal.

Bêtes silencieuses, les araignées, n’ayant jamais à répondre à un appel, doivent être inhabiles à discerner les sons. Des particularités de leur conformation achèvent d’en donner l’assurance. On s’étonnera de l’assertion ; il a été si souvent question du penchant des araignées pour la musique ! Rien ne paraît plus charmant que d’attribuer ce goût délicat à de pauvres créatures fort dédaignées. Cependant, c’est pure illusion et le vrai seul nous importe. Aa bruit des violons et des pianos, on vit des araignées descendre des