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ayant sur elles l’avantage d’une existence beaucoup plus longue, elles ont des retraites fixes. Elles se creusent un terrier, tapissant les parois, garnissant l’entrée de quelques fils enchevêtrés, manière de défense, sorte de barricade qui ne se recommande point par la perfection. Il est une de ces belles lycoses qui est célèbre sans l’avoir mérité : la tarentule, qu’on voit fréquemment en promenade au pourtour du golfe de Naples. Montrez du doigt l’innocent animal à un habitant de la contrée, vous le verrez se jeter en arrière et vous l’entendrez tenir un étrange discours : Terrible bête est la tarentule ; sa piqûre produit des effets épouvantables ; l’individu atteint est en proie à l’agitation la plus désordonnée, à une sorte de délire qui le mènerait au trépas si, au pays napolitain, où les gens sont tous ingénieux et musiciens, n’avait été inventée une danse gaie propre à guérir du mal occasionné par la tarentule. L’idée napolitaine s’est répandue par le monde, et ainsi s’est propagée la locution : On le croirait piqué de la tarentule, en parlant d’un homme agité de mouvemens brusques. Rien de la légende pourtant ne répond à la réalité ; encore une illusion poétique à perdre. Des contemplateurs de la nature ont voulu être piqués de la tarentule et, l’expérience faite, ils n’ont en aucune façon perdu la tête ; c’est tout juste si une légère démangeaison a persisté quelque temps à l’endroit même où l’araignée, de la pointe de ses crochets, avait fait jaillir le sang à la manière d’une piqûre d’aiguille.

Entraînés à la poursuite des lycoses courant sur les plantes qui s’étalent à la surface des eaux tranquilles, peut-être, sans changer de place, trouverons-nous l’occasion propice pour nous instruire d’un fait de la nature mis au nombre des plus remarquables. En divers points de la France, comme en d’autres parties de l’Europe, de petites rivières sont habitées par une sorte d’araignée de mœurs vraiment extraordinaires : une araignée aquatique ! La première observation causa une grande surprise à son auteur, et cet auteur est devenu presque célèbre pour avoir étudié l’araignée que les naturalistes de nos jours appellent l’argyronète aquatique. C’était en 1747 ; le Père de Lignac, après avoir raconté comment il s’était baigné dans une petite rivière à quelques lieues du Mans, s’écrie : « Je fus surpris d’un événement admirable ; des bulles d’air, éclatantes comme l’argent le plus poli, semblaient nager autour de moi et me chercher. Leurs mouvemens libres et non déterminés ni par le mouvement de l’eau, ni par la légèreté de l’air, m’annonçaient qu’elles étaient animées. Mais bientôt, ma surprise fut changée en saisissement : je vis que c’étaient de grosses araignées dont le corps, qu’on voyait à travers, était enveloppé d’air. » Cette fois, notre baigneur ne poussa pas plus loin l’examen. Deux ans plus tard, un ami l’entretenait de la présence d’araignées aquatiques dans l’Erdre,