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l’intérêt, moins à cause de ses avantages personnels qu’à raison de son industrie. L’araignée confectionne un réseau analogue à celui de ses congénères, mais à ce réseau s’ajoute un fil plié en zig-zag, d’une grosseur énorme, si on le compare à ceux dont la toile est formée, et ce fil attire d’autant mieux le regard qu’il brille comme de l’argent. Intrigué par la présence de cette sorte de câble d’aspect métallique, M. Vinson se préoccupe d’en découvrir l’usage, et il espère arriver au but en le détruisant sur plusieurs toiles. Il coupe donc le gros fil qu’il n’a vu remuer en aucune rencontre ; quelques heures après, un nouveau câble était construit, occupant sa place ordinaire. Dix fois l’épreuve est renouvelée, et toujours la bête patiente répare le dommage qui a été causé sans en paraître autrement troublée. Des mouches, de faibles insectes se jettent dans la toile ; l’araignée les saisit, les enveloppe, s’ils menacent d’échapper, de quelques fils ténus, et le câble reste sans emploi. Notre observateur perdait courage et allait renoncer à connaître le mystère qu’il s’efforçait depuis longtemps de pénétrer, lorsque, un matin, jetant un regard dédaigneux sur des toiles qu’il avait pu contempler des heures entières sans succès, une sauterelle se heurte au piège ; soudain, l’araignée détache le gros fil et, avec une prestesse inimaginable, lie l’insecte que les fils où s’embarrassent les mouches eussent été impuissans à retenir : le rôle de ce câble était reconnu ; il ne restait plus qu’à glorifier une des merveilles de la nature jusqu’alors ignorée. Désormais, l’observateur put à son gré varier les expériences ; il suffisait de lancer à l’épéïre de volumineux insectes pour qu’elle fît usage de son gros fil ; tant qu’on ne lui offrait qu’une proie faible, elle ne songeait point à le toucher.

Sans doute, la plupart des êpéïres se plaisent au grand jour ; cependant, quelques-unes de leurs sœurs sont les hôtes de la nuit. Aux îles Mascareignes et à Madagascar, vivent des espèces qui, au crépuscule du soir, tissent une toile qu’elles détruisent au crépuscule du matin. Durant la journée, elles se tiennent blotties entre des feuilles ramassées de façon à former un nid. Les toiles de ces êtres nocturnes sont des réseaux à larges mailles d’apparence un peu grossière si on les compare aux toiles destinées à un long usage ; le nomade, obligé de dresser sa tente ou de bâtir sa cabane chaque soir, ne pense ni au luxe, ni à la perfection du travail. Pour passer les journées, plusieurs de ces filles de la nuit ne se contentent pas d’un misérable abri formé de feuilles, elles construisent, d’un tissu soyeux, un tuyau ou mieux une galerie, sorte de boudoir élégant. De ces raffinées il en est de fort remarquables dans notre colonie de l’Ile de la Réunion et à Madagascar. L’épéïre de Bourbon, au corps rouge sombre comme la cerise bien mûre et aux longues