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moment, sans doute, au lendemain de la paix de Presbourg, l’Autriche avait paru accepter sa situation, et à M. de Cobentzel, qui avait préparé la malheureuse campagne de 1805, avait succédé au ministère M. de Stadion, appelé de Saint-Pétersbourg pour remettre en marche les affaires de l’empire. L’Autriche avait paru désarmer; elle avait laissé passer la guerre de 1806-1807 sans s’y mêler, et Napoléon lui en avait su gré. Elle était, elle semblait être toute à la paix avec la France ! c’était la politique que M. de Metternich représentait à Paris auprès de la société qui l’accueillait et de l’empereur qui ne lui ménageait pas ses faveurs ; mais l’Autriche gardait visiblement une arrière-pensée. Elle vivait sous l’obsession des événemens qui, à tout instant, bouleversaient l’Europe et rouvraient de nouvelles, de redoutables perspectives. Elle voyait en peu de temps une confédération du Rhin organisée autour d’elle, la Bavière agrandie du Tyrol, la Prusse abattue, le traité de Tilsit scellant l’alliance de Napoléon et de l’empereur Alexandre Ier, un grand-duché de Varsovie « placé sous la souveraineté du roi de Saxe,.. intercalé entre la Russie et l’Autriche. » Elle voyait aussi bientôt, au printemps de 1808, Napoléon s’engager en Espagne, conquérir par un attentat une couronne et se heurter tout à coup contre l’insurrection inattendue d’une nation. Elle ressentait une vive et forte impression de tous ces faits, qui la troublaient ou l’excitaient. Elle glissait par degrés sinon dans une hostilité ouverte, du moins dans une défiance inavouée, croissante, et elle en venait rapidement à se dire que « la situation ne pouvait durer, » qu’elle n’échapperait pas à de nouveaux coups, que le moment était venu pour elle de se remettre en défense, de réorganiser ses forces. Bref, tandis que M. de Metternich continuait à prodiguer les paroles de paix et d’amitié à Paris, l’Autriche s’armait déjà pour la guerre, et encore une fois, comme à la veille de 1805, entre Vienne et Paris, renaissaient les malentendus, les chances d’un conflit qu’on ne désirait peut-être pas, qui se préparait cependant obscurément.

On en était là dans l’été de 1808. L’Autriche voyait des menaces partout, dans la marche des événemens comme dans les intentions de Napoléon, et elle se mettait sous les armes. Napoléon, démêlant le jeu d’un œil sûr, avait bientôt vu que l’Autriche armait, et il la soupçonnait de vouloir profiter des embarras que les affaires espagnoles, à peine commencées, lui créaient déjà. La situation, sans être encore violente, se tendait ; les incidens ne pouvaient tarder, et un des premiers de ces incidens était une scène aussi étrange qu’imprévue qui se passait au palais de Saint-Cloud le 15 août, jour de la fête de l’empereur. Napoléon, revenant de Bayonne, où il avait fait son frère Joseph roi d’Espagne sans se douter qu’il jouait sa puissance dans cette aventure, était arrivé la veille à l’improviste