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d’être accueilli à Vienne, et, une fois décidé, avec la fougue qu’il mettait là tout, il ne s’arrêtait plus. En quelques jours, la demande était portée à Vienne et acceptée; tous les préparatifs étaient faits. On allait si vite que le prince de Schwartzenberg signait le contrat de mariage de l’archiduchesse Marie-Louise avant même d’avoir reçu l’autorisation de son gouvernement. M. de Metternich était, au fond, très favorable à l’union. il parle en diplomate un peu guindé dans son récit officiel; il disait plus familièrement, plus librement, dans une lettre à Mme de Metternich, que tout Vienne était dans la joie, qu’on ne pouvait se faire une idée de la popularité du mariage, que, s’il était le sauveur du monde, il ne recevrait pas plus de félicitations ; il ajoutait que, pour lui, dans les promotions du jour, il aurait « la toison! » Il ne se défendait pas d’avoir désiré et préparé le succès. Le fait est que, par ce coup de théâtre, l’Autriche se sentait rassurée et relevée, que la nouvelle impératrice, conduite par le prince de Neufchâtel, reçue à Braunau par la reine de Naples, s’acheminait bientôt, à travers les ovations, vers la France, et qu’il y avait pour le moins un moment d’illusion. On oubliait, on voulait oublier qu’il y avait à peine dix-sept ans qu’une autre archiduchesse, reine de France, avait péri d’une mort tragique; on ne voyait que le règne du plus puissant et du plus redoutable des hommes !

M. de Narbonne, dans cette conversation qu’il avait peu avant le mariage avec le prince de Ligne, avec M. de Metternich, disait : « Est-ce que vous ne voyez pas qu’on marche à pas accélérés vers un terme aujourd’hui prochain? Ce terme, c’est la réduction du continent européen à deux empires prépondérans. L’un de ces deux empires, vous voyez sa croissance rapide et le chemin qu’il a fait dans le monde depuis 1800. Pour l’autre, il n’est pas encore nommé par le sort, ce sera l’Autriche ou la Russie, selon la suite qu’on donnera à la paix de Vienne... » Était-ce l’Autriche qui devenait désormais cet autre empire? M. de Metternich n’avait pas cette ambition de partager une domination qu’il ne voulait, au contraire, pour personne. Il restait Autrichien, avisé et réservé. Il n’avait vu, comme l’empereur François du reste, dans le mariage de Marie-Louise, a qu’un moyen de gagner quelques années de repos et la possibilité de guérir bien des plaies causées par les luttes des dernières années. » Au-delà, tout redevenait mystère; tout dépendait de ce que ferait Napoléon lui-même, de ce qu’il avait voulu par son alliance avec la maison de Hapsbourg, et c’est pour arriver à éclaircir, à préciser la politique nouvelle, autant que pour assister aux débuts de la jeune impératrice, « pour diriger ses premiers pas, » que M. de Metternich, sans cesser d’être ministre des affaires