Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/649

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi qu’à certaines inégalités dans la fertilité se joignent d’une manière extrêmement marquée les inégalités entre les fortunes. Telles exploitations témoignent d’un effort constant pour se mettre au niveau des méthodes les plus avancées ; telle étendue du territoire ne montre que fermes bien tenues, dont les habitans respirent l’aisance ; dans ces cas, presque toujours le propriétaire dirige son personnel, connaît le paysan, le visite, s’occupe lui-même du perfectionnement de l’outillage. Non loin de là se rencontrent des exploitations beaucoup moins brillantes. De là de remarquables écarts dans la valeur des terres, qui oscille entre 3,000 et 6,000 francs l’hectare pour la prairie et les vignes, pour les bonnes terres labourables entre 2,000 ou 3,000, pour les moyennes entre 1,000 ou 2,000, entre 500 et 1,000 pour les passables. On pourrait presque partout, dans ces parties moins bien exploitées, formuler ainsi le résultat général : les grands propriétaires tirent peu de leur propriété, les moyens vivent de la leur ; les petits en vivent et font des épargnes.

Au sud-est du département, s’étend l’arrondissement de Loches. La ville attire les curieux par les ruines imposantes de son château et de ses hautes tours, avec ses sinistres évocations de prisons et de tortures. Le tombeau d’Agnès Sorel éveille des idées moins sombres. C’est l’image de la beauté endormie, plutôt que de la mort avec ce qu’elle a de grave et d’austère. L’inscription ne rappellerait que de profanes souvenirs, si, comme d’autres favorites, la belle pécheresse n’eût répandu les aumônes dans son entourage. L’œil s’attache avec plaisir à la pittoresque ceinture de coteaux et de rochers superposés, mais la perfection de l’agriculture n’est pas en rapport avec la beauté du pays. Assez avancée près des centres, elle devient arriérée dans la campagne. L’arrondissement de Loches est le moins fertile des trois qui forment le département d’Indre-et-Loire, ce qui s’explique en grande partie par le sol aride et sablonneux des plateaux. A l’extrême division du sol dans la vallée de la Loire correspond ici la grande et même la très grande propriété qui rend les terres de 1,000 et de 2,000 hectares assez communes. On remarque l’aspect désert de la région qui occupe l’angle méridional du territoire. C’est la Brenne, pays de landes, de bois, d’étangs malsains, de fièvres paludéennes. Dans sa plus grande étendue l’arrondissement de Loches demeure un théâtre encore ouvert aux conquêtes de la grande culture. Depuis plusieurs années, et surtout depuis le passage du chemin de fer, de riches Parisiens ont acheté des terres dans cette partie moins favorisée de la Touraine et s’efforcent de les mettre en valeur ; mais on en est resté longtemps aux essais, et on n’a pu signaler que des succès partiels. La situation s’est améliorée depuis vingt-cinq ans, sans s’être encore suffisamment