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du corps léger fournit une économie de poids considérable en rendant possible la suppression de la cuirasse de ceinture sur la longueur du bâtiment. La protection par le blindage horizontal ou vertical peut alors se concentrer sur les organes essentiels sans dépenser toute la réserve acquise.

On voit ainsi apparaître le bâtiment de guerre à assiette invariable, dont la marche et la faculté d’évoluer resteront également invulnérables, et qui s’étant allégé par l’emploi du corps léger et par la spécialisation de l’armement, descendra à un tonnage réduit, très éloigné de la grosse unité actuelle, et cependant assez vaste encore pour que ses cavités closes lui assurent le bénéfice de l’encombrement.

Comme on l’a dit au début, une nation qui prend l’initiative des recherches dans l’attaque, pour la régler et pour la formuler, ne peut manquer de provoquer la recherche des moyens de défense : il faut compter que l’art de la construction navale va s’engager avec acharnement dans la création du nouveau type, et passera rapidement, après la première surprise, de la défensive à l’offensive. En d’autres termes, nous allons faire naître des idées. Il importe qu’elles n’aillent pas se développer chez une nation voisine qui recueillerait ainsi tout le bénéfice de notre mouvement en avant. Il faut, si nous ne voulons pas voir apparaître une formidable machine de guerre qui défiera toutes nos attaques, — formidable non par la masse, mais par la protection, — que nous soyons animés d’un double esprit ; que notre champ soit, pour ainsi dire, partagé en deux clos : l’un consacré aux études qui se poursuivent, l’autre où se concentrera un grand effort dans un sens contraire. En pareille matière, ce qui importe, c’est de ne pas être primé de vitesse, dans la conception d’abord, dans l’exécution ensuite. L’apparition du Napoléon a prouvé qu’un type nouveau, rapidement mis au jour, peut déplacer la domination sur mer.

Les moyens d’application pratique qui peuvent faire sortir du rêve l’idée du bâtiment de combat à assiette invariable et la conduire dans le domaine des faits ont franchi « la période ingrate où personne ne veut prendre la peine de jeter les yeux sur les exposés, où le passant se détourne au mot d’invention, où la chose et le nom sont accueillis par le ridicule ou l’incrédulité. »

L’homme éminent qui tient aujourd’hui le premier rang dans le génie maritime, et qui fut témoin de ses commencemens difficiles, qui les encouragea par son esprit ouvert et par son caractère accueillant, pensait, il y a déjà plus d’un an, qu’il y aurait avantage à définir le moyen d’action et à le faire connaître par une étude spéciale, mise à la portée du public. L’auteur de ce travail ne s’y sentait pas enclin. Il lui semblait que s’il était possible de sceller