Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un plan de bâtiment à éperon, postérieur à celui du Bélier et du Bouledogue, et qui n’a pas été appliqué. — On va voir que la spécialisation ne vise pas tant l’allégement du poids que la concentration et la puissance même du commandement :

« Le bélier que je présente n’aura pas d’artillerie : si j’y mets des canons, l’officier qui le commandera sera conduit, par une tendance inévitable, à ne pas les laisser silencieux ; dès lors, il ne concentrera plus toutes ses facultés pour attaquer l’ennemi par l’éperon. Le bélier sera armé de mousqueterie pour atteindre le personnel du poste de commandement, mais si l’on va au-delà, le but sera manqué. »

Le principe est juste aussi bien pour le canon et la torpille que pour l’éperon, mais il ne fut pas observé. — Les béliers qui figurent sur la liste de la flotte française, sont armés de pièces de 24, établies sur des tourelles ouvertes enfermées, et les bâtimens de combat, d’une manière générale, ne sont jamais sortis de l’ordre composite qui disperse la volonté et qui fait les Léviathans.

L’économie de poids qui résulte du mode de protection, d’abord, et ensuite du mode d’armement, forme un trésor de guerre dont il va falloir faire un bon usage. Il sera bien employé s’il donne aux combattans les moyens d’action qu’ils réclament pour se battre. Le reste formera l’économie d’argent, et celle-ci sera encore grande.

La flottabilité de combat, si admirable qu’elle soit, resterait un bien inerte et sans valeur, si elle ne servait pas de base à la mise en œuvre, dans toute leur puissance, des moyens et des armes pour la guerre sur mer. — Le bâtiment de combat édifié sur cette assise insubmersible devra posséder, à l’abri de toute atteinte, un poste de commandement d’où le capitaine, entouré de ses agens, puisse préparer et exécuter l’attaque, et parer les coups dont il sera menacé ; — une puissante machine qui rende le bâtiment vivant, un gouvernail et ses organes, image de la pensée qui anime l’instrument de guerre. Il devra posséder aussi une grande vitesse, non plus pour se dérober, mais pour atteindre l’ennemi, le prendre et, s’il ne peut le prendre, le détruire ; un faible tirant d’eau qui lui permette de ne pas laisser échapper cet ennemi, de l’atteindre dans les refuges où il voudrait s’abriter; c’est-à-dire la volonté, la fertilité des ressources et la faculté d’aboutir. Il doit, enfin, faire rendre à la flottabilité de combat toutes ses conséquences et représenter ce type d’instrument de guerre, objet de nos aspirations, qui va au but par une marche fatale, telle que l’évoquent ces noms de vaisseaux qui s’appellent la Dévastation, le Formidable, le Redoutable, la Revanche, le Brennus, le Fulminant, l’Indomptable et le Terrible.

Pour assurer la protection de ces organes essentiels qui donnent