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esprits, ces échanges d’idées et les mesures ostensibles qui annoncent la succession éventuelle du commandement.

Ce pont, que nous voulons immuable dans ses assises flottantes, est alors un domaine sacré où les âmes s’exaltent en adressant à la France le Morituri te salutant.

L’artillerie ne pénétrera pas facilement, avec ses engins, dans la machine du nouveau bâtiment de combat, protégée par des traverses cuirassées de 0m,30 à 0m,40, et par un pont d’acier descendant, en abord, à 2 mètres au-dessous de la flottaison, et dont l’épaisseur sera portée à 0m,14.

Ces considérations de protection s’appliquent à la barre placée à l’arrière, sous le pont cuirassé, et qui doit remplir l’office de véritable barre de combat, à l’exclusion de toute autre, puisqu’elle est protégée. Quant au gouvernail, son enfoncement le rend invulnérable contre les projectiles : il ne peut être atteint que par les deux modes d’attaque sous-marine, l’éperon et la torpille.

Ce sont ces deux modes d’attaque qu’il s’agit d’examiner pour achever de fixer la valeur de résistance du nouveau bâtiment de combat.

Les renseignemens que l’on possède sur certains cas d’abordage par l’éperon, les expériences sur les propriétés d’obturation et d’élasticité du corps léger traversé par les projectiles de grosses masses ou soumis à l’action des gaz des obus et des torpilles, ne seraient pas suffisans pour guider l’ingénieur dans la construction navale, et l’idée de la protection nouvelle ne pourra entrer nettement dans la pratique qu’autant qu’elle aura été éclairée par des expériences faites sur les effets de l’éperon et des torpilles dans les œuvres vives. Mais nous n’avons pas l’intention d’introduire ici des spécifications de plans de bâtimens de guerre, et les seuls chiffres que nous avons cru devoir placer dans un tableau comparatif, qui ne saurait passer pour un devis, étaient nécessaires pour fixer les idées. Nous annonçons des principes et non pas des détails. À ce point de vue, les données dont on est en possession suffisent pour justifier les affirmations qui vont suivre et qui restent dans le cadre de cette étude.

Le bâtiment muni du système de triples cellules remplies par le corps élastique et léger, sous la forme d’un matelas extérieur obturant et de deux matelas intérieurs encombrans, sera indemne dans sa flottabilité contre toute attaque oblique par l’éperon. C’est un fait qui ne sera mis en doute par aucun des témoins, que, si la corvette cuirassée la Reine-Blanche, ouverte par l’éperon de la Thétis, avait été munie d’un matelas obturant, même réduit à 0m,50 d’épaisseur, elle n’aurait pas embarqué une goutte d’eau : c’est une figure de langage; elle eût embarqué par heure 500[1] litres d’eau.

  1. Chiffre déduit des expériences faites à Toulon le 17 décembre 1880.