Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de combat à assiette invariable repose sur une force de résistance qui défie l’attaque. Mais l’étude de la force offensive forme le fond même de ce que nous allons dire à propos de la guerre sur mer.


II. — LA GUERRE SUR MER.

La guerre sur mer sera toujours réglée par l’instrument de combat le plus redoutable : c’est lui qui permet à la nation qui le possède de choisir les champs de bataille, de faire la part de l’action individuelle, de masser les forces et d’appliquer le principe de la division de l’ennemi pour l’accabler et le détruire en détail.

L’apparition du bâtiment de combat à assiette invariable, à organes protégés et à tonnage réduit, aura pour conséquence inévitable de faire disparaître certains types et de réduire le nombre des engins qui n’auront plus d’action sur la nouvelle unité : ceux-ci ne pourront désormais attaquer avec succès que la masse flottante des vieux outils ou des bâtimens de construction récente, placés dans l’impossibilité, par leurs formes et surtout par leur capacité, de compléter leur défense. C’est là une loi inflexible, et quiconque la méconnaîtra sera vaincu.

Nous sommes ainsi conduits à jeter un coup d’œil sur la composition des forces militaires des diverses nations.

Lorsqu’on parcourt ces listes, qui sont aujourd’hui très complètes, on constate que cette composition présente une allure uniforme : ce sont toujours des cuirassés, des croiseurs, des canonnières, des torpilleurs et un stock de vieux bâtimens à voile ou à vapeur. La proportion seule varie, ainsi que les subdivisions d’appellations; mais, quelque variées que soient celles-ci, elles se rattachent aux types principaux que l’on vient d’énumérer. — Sauf une exception, il n’y a point de si petite puissance qui n’ait des cuirassés; ces bâtimens sont seulement alors des monitors d’un moindre tonnage et qui coûtent moins cher.

On peut dire qu’aujourd’hui les idées qui ont cours sur la préparation et la conduite de la guerre sur mer sont représentées par deux programmes dont les partisans forment deux camps bien distincts.

L’ancien, c’est-à-dire l’adversaire du nouveau, formule ainsi la composition et les affectations diverses des forces navales : « De bons et solides cuirassés pour soutenir l’honneur du pavillon; des croiseurs rapides pour détruire le commerce de l’ennemi ; beaucoup de torpilleurs pour protéger nos arsenaux et mettre nos côtes à l’abri du blocus, et des contre-torpilleurs pour attaquer les côtes ennemies. »

Ce programme est vague, surtout en ce qui concerne les cuirassés. Ceux qui le soutiennent ne précisent rien pour la protection des grosses unités de combat contre les torpilleurs. Ils paraissent admettre