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n’en finirais plus si je voulais raconter, d’après le Roudh-el-Kartas, toutes les merveilles qui accompagnèrent la construction de ces mosquées, tous les prodiges qui s’y produisirent, enfin tous les privilèges que le ciel accorda immédiatement à deux temples aussi saints que magnifiques. Naturellement, les historiens arabes ont prodigué là leurs plus naïves et leurs plus extravagantes légendes. Mais la mosquée El-Andalous n’a pas eu des destinées aussi glorieuses que la mosquée El-Kairouayn. Aujourd’hui encore, celle-ci est la grande mosquée de Fès, qui vient immédiatement après la mosquée des Cherfa. La mosquée El-Andalous, située dans un quartier éloigné du centre de la ville, est moins fréquentée. Toutefois, sa porte d’entrée est un monument du plus grand style, un des plus accomplis que l’art arabe du Maghreb ait produits. Elle se compose d’un arc gigantesque qui, semblable à la plupart des arcs maghrébins, n’est pas formé d’une seule ligne courbe, mais d’une série de petits arcs reliés les uns aux autres et laissant pendre leurs extrémités, comme une légère dentelure, sur le vide de l’arcade. Cette recherche d’élégance, qui n’est pas sans mièvrerie, surtout dans une œuvre pleine de grandeur, n’est pas non plus sans grâce. Par un raffinement plus complet encore, les deux extrémités de l’arc, au lieu de se terminer en un simple lobe, se rattachent aux deux montans de la porte à l’aide d’une figure en forme d’S renversée du plus ingénieux effet. Au-dessus de cet arc, à la fois joli et puissant, le mur est couvert de décorations de faïences et d’inscriptions dont je ne tenterai même pas la description ; elle serait par trop imparfaite. Ces décorations, à leur tour, sont surmontées d’un auvent en bois, pareil à celui des fontaines, mais dans des proportions monumentales et avec une richesse de ciselures inimaginable. Enfin, le mur continue à s’élever, divisé en deux tourelles carrées qui portent, en guise de créneaux, une énorme végétation d’herbes folles, couronne de verdure posée par la nature sur une splendide œuvre d’art.

Cette superbe porte de la mosquée El-Andalous domine presque toute la ville comme une sorte d’arc de triomphe. La mosquée El-Kairouayn, au contraire, est située en plein bazar, au cœur même de la cité. s’il faut en croire le Roudh-el-Kartas, elle possédait, au temps de sa splendeur, 270 colonnes, formant 16 nefs de 21 arcs chacune, tant en longueur qu’en largeur. « Dans chaque nef s’établissaient, les jours de prières, Il rangs de 210 fidèles, soit 840 fidèles par nef, somme exacte, à n’en pas douter, puisque chaque arc contenait 10 hommes d’une colonne à l’autre. Pour avoir le nombre d’hommes qui pouvaient assister à la prière, on avait donc 16 fois 840, soit 13,440, total auquel il fallait ajouter 560, nombre des fidèles