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Si Bossuet est un peu dur pour les philosophes, il faut avouer qu’en revanche il n’est pas tendre pour les ecclésiastiques et pour les faux docteurs. Écoutez-le parler sur l’ambition ecclésiastique et ses emportemens : « Je vois, dit-il, une jeunesse emportée qui n’a de toutes les qualités nécessaires que des désirs violens pour s’élever aux charges ecclésiastiques, sans considérer si elle pourra s’acquitter des obligations attachées à ces dignités. On emploie tous les amis, on brigue la faveur du prince, on croit que c’est assez de monter sur le trône de Pharaon avec Joseph pour gouverner l’église; mais il faut avoir été dans le cachot auparavant. » Il flétrit la superstition des pharisiens : « Les pharisiens se faisaient de grandes franges et dilataient les bords de leurs robes; c’est tout ce que Dieu en aura : une vaine parade, une ostentation, une exactitude apparente. » — « Pour paraître pieux, ils font les sévères. La véritable piété dilate les cœurs; mais la superstition qui se veut fonder sur elle-même se charge de fardeaux insupportables. » De la superstition à l’hypocrisie il n’y a qu’un pas. « Quelle affreuse idée d’un hypocrite! c’est un vieux sépulcre ! on l’a reblanchi et il paraît beau au dehors. Qu’y a-t-il au dedans? Infection, pourriture, des ossemens de mort... Tel est un hypocrite; il a la mort dans son sein. Que sera-ce et où se cachera-t-il lorsque Dieu révisera le secret des cœurs?.. On fait aisément les actes de piété. On parera un autel, on y placera des reliques, on bâtira des églises et des monastères. Venons à la pratique de la piété et à la mortification des sens; on n’y veut pas entendre. » On voit que Bossuet n’est pas plus indulgent que Molière pour l’hypocrisie. Il semble même avoir imaginé un autre sujet de comédie que l’on pourrait traiter encore après le Tartufe; c’est Tartufe chez une veuve : « La maison des veuves, faibles par leur sexe, maîtresses de leur conduite et n’ayant plus de mari qui saurait bien écarter les directeurs intéressés, voilà un vrai butin pour l’hypocrisie. » Il raille avec hauteur la prétention des directeurs: « Ils sont sévères afin qu’on les loue; ils veulent conduire, ils veulent diriger pour se donner un grand crédit, afin qu’on voie qu’ils peuvent beaucoup, qu’ils sont de grands directeurs et qu’ils ont beaucoup de gens de grande considération à leurs pieds... Ils veulent qu’on les craigne, qu’on les visite, qu’on leur fasse de grandes révérences ! Les malheureux! ils ont déjà reçu leur récompense ! » Ainsi des faux zélés, des convertisseurs qui s’affichent : « Qu’il est zélé! Tant de peine pour un seul homme! j’ai fait cette religieuse ; j’ai attiré cet homme à l’ordre... Achevez donc; cultivez cette jeune plante; ne la déracinez pas par les scandales que vous donnez,.. les faux docteurs gâtent tout. » Que dire de ces « directeurs infidèles, » comme il les appelle, qu’il compte parmi les flatteurs, et des casuistes relâchés qu’il flétrit comme Pascal, sans épargner