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temps faire entendre sa parole épiscopale. Par lui, nous connaîtrons ce petit monde qui nous est fermé et qui a ses passions comme le grand. Notre malignité sera agréablement chatouillée d’apprendre qu’en renonçant au monde et à ses pompes, on n’abdique pas toutes les faiblesses humaines. Rappelons d’abord que Bossuet, non moins franc envers les abus de la religion qu’envers les insolences de l’incrédulité, n’hésite pas à signaler hardiment en passant, d’un mot court mais décisif, l’une des iniquités du régime aristocratique, à savoir les vocations religieuses forcées dans l’intérêt des aînés : « La princesse Marie, dit-il, pleine de l’esprit du monde, croyait, selon la coutume des grandes maisons, que les jeunes sœurs devaient être sacrifiées à ses grands desseins. » C’était donc être sacrifiée qu’entrer au couvent sans vocation. Écoutons maintenant le saint évêque sur les défauts et les travers des maisons religieuses. Que devient, dans ces maisons, le vœu de pauvreté, par lequel on a renoncé au monde ? « Il faut des revenus prodigieux pour faire vivre une communauté. Les familles accoutumées à la pauvreté subsistent de peu ; mais les communautés ne peuvent se passer de l’abondance. Combien de centaines de familles subsisteraient de ce qui suffit à peine pour la dépense d’une seule communauté? » Ainsi entendue, « la pauvreté n’est plus qu’un nom... On est sensible aux moindres bagatelles qui manquent; on ne veut rien posséder, mais on veut tout avoir, même le superflu : non-seulement la pauvreté n’est point pratiquée, mais elle est inconnue. On ne sait ce que c’est que d’être pauvre par la renonciation gratuite, pauvre par la nécessité du travail, pauvre par la simplicité et la petitesse du logement, pauvre dans tout le détail de la vie. » Bossuet ne s’en tient pas à des généralités ; il fait allusion à des faits précis : « La dépense des infirmeries dépasse celle des malades d’une ville entière. » Pourquoi cela? « c’est qu’on est toujours de loisir pour s’occuper de soi et de sa délicatesse. » De là vient « cette âpreté scandaleuse » que l’on reproche aux communautés. Bossuet le dit avec regret, mais il le dit : « On ne voit pas de gens plus ombrageux, plus difficultueux, plus tenaces, plus ardens dans les procès, que ces personnes qui ne devraient pas même avoir d’affaires.» La vie n’est pas toujours facile dans les monastères. Pour renoncer à la vie mondaine, on ne renonce pas à la nature humaine. Il y a « des humeurs grossières et fâcheuses » qui mettent à l’épreuve la patience des autres. « Cette sœur, dites-vous, est si ombrageuse, si pointilleuse que la moindre chose la met en mauvaise humeur. Vous devez ménager ces esprits faibles. La charité vous oblige à les supporter. » Autre danger : les conversations du parloir avec les gens du monde : « Prenez-y garde; car les personnes