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faites. Les hôtels de villes, les hôpitaux, les hospices, les salles de réunions des associations municipales militaires, charitables, scientifiques, littéraires ou marchandes, en ont conservé la plus forte part. C’est là, — à Amsterdam, à La Haye, et jusque dans les moindres centres, à Delft, à Middelbourg, à Gouda et à Alkmaar, — qu’on peut encore les voir et se rendre un compte plus exact de la place importante que la représentation de l’histoire nationale a tenue dans la peinture hollandaise.

Dans un remarquable travail où il résume de curieux documens empruntés à des publications locales[1], M. H. Riegel a rassemblé de nombreux témoignages de cet accord entre l’histoire et l’art de la Hollande. Les tableaux de corporations nous en fournissent surtout la preuve. C’est là, à vrai dire, un genre tout à fait historique et qui appartient en propre à ce pays. Comme toujours, son origine est religieuse ; mais ces figures de donataires qui, chez les maîtres primitifs des Flandres, nous apparaissent symétriquement agenouillées autour du Christ, de la Vierge ou des saints, les artistes hollandais nous les montrent de bonne heure isolées des compositions sacrées qu’elles accompagnaient et suffisant seules à l’intérêt de leurs ouvrages. Ce sont, au début, des gens d’église ou des pèlerins qui, à raison des longueurs et des difficultés du voyage qu’ils entreprennent, se sont réunis pour s’édifier ou se prêter, au besoin, un mutuel secours. Tels sont les Chanoines d’Antoine Moro, au musée de Berlin (n° 585, A), ou les Pèlerins de la confrérie des lieux saints, dont Scorel a retracé les vivantes images (musée de Harlem, n° 154; et musée d’Utrecht, n° 7, 8, 9, 10). Avec la réforme, l’esprit d’association prend un caractère civique. Il gagne peu à peu et s’étend à toutes les classes du peuple, à toutes les manifestations de son activité. Les membres des milices municipales que les souverains avaient autrefois fondées et encouragées deviennent, à l’heure de la lutte, les héros de la résistance et de l’affranchissement. On peut étudier et suivre en quelque sorte parallèlement les progrès de la peinture et ceux de la vie nationale dans ces représentations d’archers, d’officiers, de magistrats, de professeurs, de régens et de régentes, ou même de simples commerçans qui, tour à tour, ont si largement défrayé l’école hollandaise. Après les timides essais de peintres presque inconnus, comme Cornelis Anthonissen, Dirk Jacobsz, Dirk Barentsz, Cornelis Kétel, etc., ces sujets inspirent à des artistes tels que Cornélius de Harlem, Frans Grebber, Antoine Pietersen, Joris van Schooten et Mierevelt leurs meilleurs ouvrages et nous valent, enfin, les chefs-d’œuvre de

  1. Zur Geschichte der Schütter und Regentenstücke, dans les Beiträge zur niederländischen Kunstgeschichte, par H. Riegel, 1er vol., p. 107-162, Berlin; Weidmannsche Buchhandlung, 2 vol. in-8o, 1882.