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Pierre Molyn, Hendrik Avercamp, ils sont là tout un groupe d’habiles artistes, — de purs Hollandais, ceux-là, — qui nous ont laissé sur l’époque où ils vivaient des témoignages plus sérieux et plus véridiques. La liste serait trop longue à rapporter ici des sujets qu’ils ont si souvent traités, embuscades, escarmouches, attaques de convois, pendaisons, gens qu’on détrousse, villages qu’on pille ou qu’on incendie. Dans ces divers épisodes, les costumes, le paysage, la silhouette des clochers et des maisons, tout est bien de leur temps et de leur pays. Ils ont vu de près ces misères qui ne ressemblent guère « à l’ordre, à la paix, à l’imperturbable sécurité des jours bénis. » Sans doute, chez eux, comme chez les autres, les grandes batailles sont rares ; mais outre que des mêlées confuses prêteraient peu à être représentées, elles n’ont pas été, non plus, si communes dans ces luttes contre l’étranger où, sur terre du moins, les surprises, les sièges et les engagemens partiels entre les bandes qui tenaient la campagne étaient l’ordinaire. C’est sur mer que se sont passés les grands faits de guerre, ceux qui comptent, ceux qui ont été décisifs. Chez ce peuple singulier qui trouvait dans l’inondation un de ses moyens de défense les plus redoutables[1], la peinture de marine est le genre national par excellence. C’est parmi ses représentans qu’il faut chercher les vrais historiographes de cette période héroïque. À l’envi, ils s’appliquent à retracer les exploits des intrépides marins de la Hollande, et les villes, les corporations, les particuliers eux-mêmes désireux d’en consacrer la mémoire, comblent les marmistes de commandes pour lesquelles des sommes importantes leur sont allouées. Henri de Vroom est chargé par la ville de Harlem de représenter la bataille navale livrée, sous ses murs, au Vuycke, le 26 mai 1573 ; en 1610, il peint pour 1,800 florins une autre bataille navale, celle de Trafalgar (1607), destinée à être offerte au prince de Galles ; en 1635, il doit décorer de scènes nautiques la salle du conseil de l’Amirauté à Amsterdam. Un de ses confrères, Cornélis van Wieringen, reçoit, en 1622, 2,400 florins pour un autre épisode de la bataille de Trafalgar, dont ce conseil de l’Amirauté fait présent au prince Maurice lorsque celui-ci agrandit et décore son palais de La Haye. Un troisième peintre, Abraham Verwer, touche pareille somme pour une reproduction de ce même épisode. Enfin, rien qu’au musée d’Amsterdam, nous trouverions à signaler dans cet ordre de sujets : la Bataille de Nieuwpoort, le 2 juillet 1600, par Hilligaert ; le Combat naval sur le Slaak en 1631, par Simon de Vlieger ; le Combat naval de Livourne (1653), par R. Zeeman ; de Backhuysen, le Dépert

  1. Cet expédient héroïque, qui devait réussir contre Louis XIV, les Hollandais y avaient déjà recouru contre le duc d’Albe en rompant les digues des environs de Harlem et de Leyde.