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fille sage d’une mère folle, en renversant la célèbre expression de Kepler, n’était pas née de l’alchimie, et nous nous contenterons de dire que Paracelse, au XVIe siècle, admettait trois substances fondamentales qu’il désignait sous les noms de sel, de soufre et de mercure. Usant d’expressions mieux choisies, Bêcher rééditait la même idée et imaginait trois matières dont l’une est la terre vitrifiable (sol, cailloux, sels,.. etc.), tandis que l’autre communique l’inflammabilité et que la troisième engendre les métaux. Peu nous importe que Willis y ait ajouté le phlegme ou eau et le caput mortuum, ou résidu de l’opération chimique. Si Baume, sous Louis XV, énonce encore des définitions relativement obscures, il fait du moins observer qu’aucun des quatre élémens classiques ne contracte d’union avec l’un des trois autres. Avec Guyton de Morveau (1777), nous trouvons, au contraire, une excellente définition du corps simple ; il montre que le feu est plutôt un agent qu’une matière et qu’en définitive il n’est pas toujours homogène ni identique à lui-même. Enfin, du jour où Lavoisier démontra que les métaux ne résultent pas de l’union de leurs oxydes ou « chaux » avec l’insaisissable phlogistique, à partir du moment où il remplit une cloche d’oxygène dégagé par la « chaux-mercurielle » redevenue vif-argent en perdant de son poids, l’idée d’élément a cessé d’être abstraite pour devenir une réalité et la chimie, sortie du berceau, a fait les progrès que l’on sait.


I.

La science actuelle appelle « corps simple » une substance qui, soumise à l’influence des agens naturels, ou attaquée par les réactifs de nos laboratoires, ne se décompose pas en produits secondaires. D’un corps simple on ne peut retirer qu’une seule espèce de matière. L’idée de corps simple n’implique nullement celle d’un solide, d’un liquide, d’un gaz inaltérables : la plupart des élémens connus à l’heure présente sont aussi difficiles à conserver qu’à obtenir, mais ce qu’il est essentiel de remarquer, et, c’est après tout, la meilleure définition qu’on puisse donner, ils ne peuvent se transformer sans augmenter de poids.

Tous les ouvrages de chimie en énumèrent la liste. Ces livres ne sont pas toujours d’accord entre eux, mais on peut dire, sans risquer de beaucoup se tromper, qu’il existe environ soixante-dix élémens bien déterminés. Celui qui feuilleterait la collection des Comptes rendus de l’Institut, les Annales de chimie et de physique et autres recueils analogues, en relevant soigneusement par ordre de date les découvertes annoncées de métaux nouveaux, arriverait